Interdit aux chiens et aux Italiens, Alain Ughetto, 25 janvier 2023
Auréolé des succès critiques et publics rencontrés après sa projection dans de nombreux festivals en 2022 (Annecy, Mon Premier Festival, Carrefour de l’Animation), le dernier long-métrage d’Alain Ughetto sortira en salle le 25 janvier. Récit mémoriel, Interdit aux chiens et aux italiens s’articule autour d’un dialogue imaginaire à travers les âges, entre le réalisateur et sa grand–mère Cesira, aujourd’hui décédée. La famille Ughetto franchit les Alpes une première fois au début du XXe siècle. La disette pousse les Ughetto à trouver du travail de l’autre côté de la frontière. C’est une époque d’essor industriel avec de grands travaux, et le grand-père d’Alain, Luigi, trouve un emploi sur le chantier du percement d’un tunnel ferroviaire au col du Simplon.
La mémoire d’Alain est parcellaire, les témoins de cette époque ont tous disparus et sa grand-mère, de son vivant, était tellement fière d’être devenue française qu’elle ne parlait jamais italien. Alors, le voyage dans le passé a été précédé d’un déplacement géographique sur les lieux de jeunesse de ses grands-parents. La reconstitution du récit des origines s’est doublée d’une ode à la matière, qu’on fabrique, qu’on modèle, qu’on transforme. Les ancêtres du réalisateur étaient ce que certains enseignants – souvent dédaigneux (et véritablement crétins !) – appellent volontiers des « manuels » mais, dans ce film, point de honte. Le réalisateur est fier du savoir-faire transmis par ses aïeux.
Si le film suit volontiers une trame chronologique qui énumère les différents déplacements de la famille Ughetto en miroir des vagues d’immigration successives – d’ordre économique puis, avec la montée du fascisme, politique – il agrège un nombre considérable de souvenirs personnels de l’auteur réalisateur. Alain Ughetto se souvient : de son père, maçon, qui après avoir construit des maisons, sculptait des personnages dans les croûtes de Babybel, de sa grand-mère qui préparait toutes sortes de polenta…
Cette plongée dans l’intime est particulièrement touchante, notamment lorsqu’Ughetto évoque les drames et deuils de la famille, victimes de l’Histoire en marche. Au détour de petites phrases qui font mouche, le réalisateur partage les convictions politiques de ses ancêtres, distillées avec beaucoup d’humour comme lorsque Cesira évoque les prêtres – avides de pouvoir et d’argent – de sa région d’origine.
Au final, ce film éminemment personnel parvient à dépeindre le sort d’une communauté multiculturelle formée par les immigrés de tous pays (italiens, mais aussi espagnols, portugais, maghrébins, polonais…) employés jusque dans les années 1970 comme main d’œuvre bon-marché sur les chantiers français, suisses et belges. La technique utilisée pour témoigner de cette histoire intergénérationnelle est l’animation par stop-motion, une manière de rendre de nouveau hommage à ces mains qui façonnent maisons, tunnels, routes…
La main du réalisateur – au lieu de rester en hors champ comme c’est le cas dans l’animation – s’invite d’ailleurs souvent dans les décors faits d’objets, de plantes et légumes récupérés dans le village des Ughetto. La présence de ces brocolis, courgettes et marrons – transformés en pierres, arbres et maisons – symbolise aussi le parcours d’agriculteurs appauvris devenus par obligation, des ouvriers, puis par choix, des parents naturalisés français d’enfants perpétuant aujourd’hui la tradition de bâtisseurs en (re-)créant de nouveaux univers.
25 janvier 2023 en salle / 1h10min / Animation
De Alain Ughetto
Par Alain Ughetto, Alexis Galmot
Commentaires récents