mini critique estivale : Rifkin’s festival, Woody Allen, 13 juillet
Après Barcelone (Vicky Cristina Barcelona, en 2008), Paris (Midnight in Paris, en 2011) et Rome (To Rome with Love, en 2012), le réalisateur new-yorkais Woody Allen a choisi de planter le décor de son nouveau film dans une autre ville européenne : San Sebastian. Fidèle à ses thèmes de prédilection (le couple dysfonctionnel, l’amour du 7e art, l’angoisse de la mort), il documente la déréliction d’un couple qui participe au festival de cinéma qui se tient chaque année dans cette ville espagnole de la côte basque.
Moins fantasmée et muséifiée que Paris ou Rome, San Sebastian sert d’écrin aux déambulations de Mort, un professeur de cinéma désabusé remarquablement interprété par Wallace Shawn, qu’on avait pu apprécier dans Young Sheldon où il campait déjà un intellectuel incompris de tous (à part du jeune Sheldon !) Sa femme, probablement une attachée de presse, suit partout un jeune réalisateur français, devenu la coqueluche des médias après son dernier film, un manifeste politique prétentieux dont elle assure la promotion.
Depuis plusieurs années, Woody Allen peine à réaliser un film à la hauteur de ses précédents chefs-d’œuvre. Pour autant, Rifkin’s festival n’est pas un mauvais film. Mélancolique et légère – malgré la pesanteur existentielle de son double filmique – cette co-production américano-hispano-italienne se moque gentiment de la tendance actuelle des films primés en festival (un cinéma supposément réaliste et engagé) à laquelle elle oppose une autre vision du cinéma, plus classique et artistique, en multipliant les clins d’œils à Federico Fellini, François Truffaut ou Ingmar Bergman, avec une parodie du 7e sceau dans des séquences oniriques en noir et blanc.
La querelle des anciens et des modernes ne date pas d’hier mais le personnage de Mort, dont le prénom ne semble pas un pur hasard, se révèle à la fois truculent et émouvant. Il existe des artistes capables de créer des univers qui leur sont propres et leur survivent, et d’autres qui, hantés par leurs illustres prédécesseurs, n’accoucheront jamais de leur œuvre maîtresse mais convoqueront à l’infini des fantômes… En ce sens, Rifkin’s festival, énième – et peut-être ultime – reflet des obsessions et de l’impuissance de son réalisateur – qui de Stardust Memories à The Purple Rose of Cairo en passant par Radio Days a érigé la nostalgie au rang d’art – est peut-être le film qui résume le mieux le cinéma de Woody Allen.
13 juillet 2022 en salle / 1h32min / Comédie, Romance
De Woody Allen
Avec Wallace Shawn, Louis Garrel, Elena Anaya, Gina Gershon
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