Junk Head, Takahide Hori, 18 mai
Film dystopique interdit aux moins de 12 ans, et peut-être aussi à réserver à un public averti, Junk Head est une petite merveille d’animation. Conçu en stop motion, ce film d’anticipation réalisé par le japonais Takahide Hori, est une plongée dans les entrailles de la terre.
A la manière de Dante, et de sa divine comédie, le héros de Junk Head évolue dans un monde compartimenté en différents univers. Son voyage – réalisé dans le cadre d’une expédition scientifique – est aussi une initiation spirituelle. Alors qu’à force de manipulations génétiques, le genre humain qui vit à la surface de la terre a perdu la capacité de se reproduire, et qu’il est victime de nombreux virus mutants (tiens, tiens), les esclaves aux corps déformés envoyés en sous-sol servir à l’extraction des minerais semblent désormais capable d’enfanter.
Dans les profondeurs, Junk Head perd littéralement la tête. Poursuivi par des créatures proprement infernales (des vers géants assoiffés de sang, une créature à la Cerbère sans poils), son corps cybernétique est détruit à chaque fois.
Seule subsiste une tête, siège de l’âme, « de l’ego » dixit l’un des médecins-réparateurs esclaves, des émotions et du langage. A chaque fois, le héros est doté d’un nouveau corps et chargé d’une nouvelle mission (la plupart du temps d’ordre alimentaire) par ses sauveteurs.
A la vue de la multitude de créatures bizarres (et souvent angoissantes) qui fourmillent dans les sous-sols et les 140 000 images du film, on pourrait croire, à première vue, que Junk Head est le résultat d’un mauvais trip sous acides.
Mais le récit mis en image par Takahide Hori est bien plus complexe. A la fois allégorie de la lutte des classes – entre la main-d’œuvre interdite de cité sur Terre et les scientifiques-robotisés qui ont perdu toute humanité à la surface – Junk Head est aussi une mise en garde : contre le désir d’exploitation de la terre, contre les dangers d’une biomédecine à thérapies géniques qui viserait à modifier en profondeur et durablement le vivant (tiens, tiens).
Si les masses laborieuses des sous-sols ne possèdent pas la technologie qui permet de changer d’apparence comme on change aujourd’hui de chemise, elles sont encore capables de procréer – la condition nécessaire à toute vie – et elles ont mis en place des systèmes de solidarité – peut-être pas parfaits mais qui ont au moins le mérite d’exister. A l’individualisme forcené de la surface s’oppose donc la force du groupe, du réseau…
Afin d’éviter de révéler toutes les nuances du film, on se limitera à préciser qu’au fur et à mesure que Junk Head s’enfonce sous terre, il rencontre des créatures dont le corps ressemble de plus en plus au nôtre. La monstruosité supposée des habitants des entrailles de la terre est finalement toute relative et Takahide Hori de reposer à travers cette œuvre singulière et originale, la question essentielle des mondes SF ou fantastiques, à la croisée des sciences et de la morale, à savoir : mais qui est vraiment le monstre ?
18 mai 2022 en salle / 1h41min / Animation, Science fiction, Aventure
De Takahide Hori
Par Takahide Hori
Avec Takahide Hori, Yuji Sugiyama, Atsuko Miyake
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