Everything Everywhere All at Once, Daniel Scheinert, Daniel Kwan, le 31 août en salle

En ce jour de la fête des mères [NDLR: film découvert à cette date, critique parue pour la 1ière fois le 29 mai], on plonge dans la vie très mouvementée d’une maman débordée : Evelyn Wang est à bout. Entre sa déclaration d’impôt, la gestion chronophage de son lavomatic et des clients mécontents, l’arrivée de son père, un traditionaliste qui a passé toute sa vie en Chine, sa fille rebelle, son mari trop gentil, elle a envie de tout envoyer promener. Mais, dans l’univers complètement déjanté des Daniels (Daniel Scheinert, Daniel Kwan), nous n’assisterons pas à la descente aux enfers d’une maman au bout du rouleau avec force effets réalistes, à la limite du documentaire glauque.

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Non, comme son titre à rallonge autoparodique pouvait le laisser supposer – tout comme son cast qui réunit Michelle Yeoh (Tigre et Dragon, Le Règne des Assassins, Gunpowder Milkshake) et James Hong (Kung Fu Panda, Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin) – Everything Everywhere All at Once est à la fois un film de SF et un film d’action sauce asiatique, replet d’arts martiaux avec des combats savamment orchestrés.

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Pour créer un récit gigogne à la mesure du talent de Michelle Yeoh, le duo de réalisateurs a eu l’excellente idée de surfer sur la mode du multiverse. Et voilà notre héroïne à la croisée des chemins, capable de vivre en une seconde les vies rêvées qui auraient pu être les siennes si elle ne s’était pas mariée… à moins que même dans ces mondes parallèles, l’issue de son destin ne soit finalement presque la même.

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L’enchevêtrement et surtout le télescopage des lignes temporelles des existences parallèles d’Evelyn Wang ne saurait constituer un film en soi… sauf que les réalisateurs font le pari d’une loufoquerie totalement assumée qui repousse les limites du convenable cinématographique.

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Avec le postulat de départ, l’imagination se déploie sans bornes : un monde où le modèle évolutionniste a accouché d’humains avec des doigts mous et allongés comme des hot-dogs, une terre dépeuplée où les rochers ont une conscience… Cette infinité de possibles donne l’occasion à Michelle Yeoh (mais aussi aux acteurs et actrices dans un second rôle, tous excellent.es, de Jamie Lee Curtis en fonctionnaire des impôts vengeresse à Stephanie Hsu en nihiliste destructrice de l’humanité) d’incarner une multitude de personnages.

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Dans le multiverse, le comportement dilettante d’Evelyn, anti-héroïne pour son père et sa fille, devient une force. A chaque incursion dans une vie parallèle, elle acquiert de nouvelles compétences… Et si, dans le quotidien « normal » d’Evelyn, sa passion pour le karaoké ou le maniement du couteau de cuisine semblaient des manies passagères, lorsque l’équilibre de l’univers est menacé, les multiples activités d’Evelyn prennent enfin sens.

© A24, oui, on peut même se moquer d’In the mood for love !

Everything Everywhere All at Once est à la fois une réussite visuelle et scénaristique. C’est aussi une déclaration d’amour au cinéma, ce media magique qui permet aux scénaristes et acteurs-actrices de vivre plusieurs vies par l’intermédiaire des personnages inventés ou incarnés. Où l’on peut-être tout à la fois une chanteuse d’opéra traditionnel chinois, une maman à bout de souffle, une karateka, une actrice glamour, une bodhisattva qui enfin dotée de son 3e oeil accède à la compassion et à la compréhension les plus parfaites… Si la majorité du cast est asiatique et que de nombreux personnages parlent mandarin entre eux, Everything Everywhere All at Once n’hésite pas à tourner en dérision de nombreux aspects du film d’arts martiaux classique afin d’accoucher d’un message plus universel.

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Mais les émules de Jacky Chan ne sont pas les seules à en prendre pour leur grade. A l’aide d’un montage à couper le souffle qui parvient l’exploit de condenser ce qui ressemble à des centaines d’heures de films en 2h20, Everything Everywhere All at Once se paie le luxe de nous rejouer façon nonsense les scènes d’anthologie de In the mood for love et des Guardians of the Galaxy. Et, si sur le papier, tout cela semble confus, l’enchaînement absurde de ces séquences appartenant à des genres cinématographiques les plus divers insuffle une profondeur mélodramatique rarement égalée dans un film de SF. On pardonnera donc au film les 15 dernières minutes un peu trop larmoyantes et longuettes à notre goût.

Prochainement / 2h19min / Science fiction, Action, Comédie
De Daniel Scheinert, Daniel Kwan
Avec Michelle Yeoh, Ke Huy Quan, Jamie Lee Curtis, James Hong, Stephanie Hsu…

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