Ma famille afghane, Michaela Pavlatova, 27 avril / 8 avril au Music & Cinema Marseille

Auréolé d’un prix du jury (mérité!) au Festival d’Annecy en 2021, Ma famille afghane, adapté du roman de l’écrivaine et correspondante de guerre tchèque Petra Prochazkova, déboule sur nos écrans le 27 avril. On pourrait imaginer un récit sombre et déprimant mais rien de tel ! Refusant tout manichéisme, ce long-métrage d’animation est une pure merveille tant au niveau des personnages, à la fois complexes et attachants, de la musique, composée par les talentueux frères Evgueni et Sacha Galperine que de la reconstitution de Kaboul et des villages afghans.

Quand Nazir fait son apparition à la fac d’économie, Herra, jeune étudiante tchèque, qui jusque là s’ennuyait fermement voit la vie en rose. C’est l’amour fou et les deux tourtereaux ne se quittent plus. Assez vite, ils emménagent ensemble puis décident de se marier. Dans l’entourage familial et amical d’Herra, c’est la consternation : tout le monde la met en garde contre ce qui l’attend en Afghanistan si elle choisit de suivre son mari là-bas. Ma famille afghane est l’histoire d’un amour sans limites : celui qu’Herra et Nazir se vouent l’un à l’autre.

« It had to be you… Wonderful you. » 2001. Alors que Kaboul peine à se remettre du régime des Talibans (NDLR: qui sont revenus au pouvoir en août 2021), Herra et Nazir tentent de s’acclimater à leurs nouvelles conditions de vie. Dans la famille de Nazir, on a toujours été très libéral. Le grand-père était photographe (il immortalisait les jolies femmes en mini-jupes dans les années 1960) et aujourd’hui, il se bat contre son beau-fils pour que sa petite fille aille à l’école comme ses frères. Herra peut donc compter sur son soutien, mais face aux médisances des voisins, il convient de ne pas se faire remarquer. Les contraintes imposées aux femmes (plus par souci du quand dira-t-on qu’une stricte observance des préceptes des Talibans) donnent lieu à de nombreux gags : comme lorsque les femmes et filles de la famille, dissimulées derrières un paravent s’écroulent et font irruption dans la pièce où se trouve le couple d’invités américains. Ou bien lorsque Herra conduit la voiture du couple puis accélère et sème finalement les motards qui la sifflent…

Loin des préjugés des occidentaux (symbolisés notamment par les prises de position à l’emporte-pièce de l’Américaine responsable de l’ONG qui emploie Herra), le film montre l’absurdité des régimes liberticides, quels qu’ils soient. Bien entendu, libérés du regard omniprésent de la police politique, une grande partie des hommes afghans aiment le cinéma, les femmes sans burqa etc etc…

Avec beaucoup de subtilité, à travers le regard de la protagoniste principale, Herra, mais aussi celui de Nazir, le film met en lumière les difficultés de concilier concessions faites aux défenseurs de la loi (pour ne pas être tués !) et liberté au sein du couple. Les personnages secondaires, le beau-frère vendeur de poules et le conducteur de l’ONG, illustrent aussi, chacun à leur façon, comment le machisme et la violence de genre se nourrissent de complexes d’infériorité

Nazir est un homme juste et bon, profondément amoureux de sa femme, qui n’hésite pas une seconde à rester avec elle, même lorsqu’elle se révèle stérile. Petra Prochazkova, l’auteure de Frišta, roman qui a inspiré ce film, a épousé à deux reprises (son 2e mari, un Ingouche, fut enlevé et porté disparu) des hommes du Caucase, de tradition et foi musulmane. Elle a également rassemblé les témoignages de femmes tchétchènes dans son ouvrage La reine de l’aluminium: La guerre russo-tchétchène à travers les yeux des femmes, publié en France aux éditions du Serpent à Plumes. La réalisatrice Michaela Pavlatova respecte l’essence profondément humaniste de ce matériel premier tout en le mettant en images avec l’excellence qui caractérise l’animation tchèque depuis des décennies (qu’on songe à la Petite Taupe de Zdenek Miler…)

Et puis, il y a Maad, ce personnage à la fois intriguant, drôle et émouvant (qui donne son titre original au film). C’est un petit garçon atteint d’hydrocéphalie, recueilli par Herra et Nazir qui l’élèvent comme leur fils. A l’instar d’Herra, occidentale mariée à un Afghan qui tente de préserver la liberté de sa famille, Maad se situe à la marge. Et pourtant, c’est celui qui offre le regard le plus bienveillant et vrai de ce film, ode à la tolérance et leçon de joie de vivre face à l’adversité. Un film à voir en famille et à ne rater sous aucun prétexte !

27 avril 2022 en salle / 1h20min / Animation, Drame
De Michaela Pavlatova
Par Ivan Arsenjev , Yaël Giovanna Lévy
Avec Eliska Balzerova , Hynek Cermák , Berenika Kohoutová
Titre original : My Sunny Maad

 

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.