Enfants des nuages, 30 avril

Michael Moore a trouvé un fils spirituel…en la personne de Javier Bardem ! Comment en effet ne pas penser aux films polémiques de Mister Moore après la projection d’Enfants des Nuages, un documentaire engagé qui appelle à une mobilisation générale pour défendre le sort du peuple Sahraoui. Le cinéma comme outil de dénonciation des injustices. Le charisme de Bardem est mis au service d’une lutte rendue -au-delà de l’aspect moral indéniable- sympathique par une mise en scène qui fait de l’acteur un David des temps modernes… Seul contre -presque- tous, dans l’indifférence -presque- générale, Bardem se rend à l’ONU, essaie de rencontrer le Premier Ministre espagnol, des hauts dignitaires marocains… Véritable work-in-progress, le film de Longoria n’occulte pas les difficultés rencontrées lors de la réalisation (témoins refusant de s’exprimer, vieilles images d’archives détériorées) mais s’en sert comme une preuve à charge contre les Goliath politiques passés et contemporains…

Enfants des Nuages est un film extrêmement bien construit. Sur un sujet « casse-gueule », le réalisateur réussit un tour de force narratif : rendre compréhensible une situation géopolitique complètement ubuesque. La belle voix de Victoria Abril ajoute une touche de douceur à des images parfois très violentes, comme celles d’Aminatou Haidar, le visage tuméfié après un passage à tabac. En faisant de Javier Bardem, porte-parole star, un héros solitaire face à un système corrompu, le réalisateur ne peut que susciter l’adhésion des spectateurs… Et c’est vrai qu’il nous présente une belle brochette de politiciens cyniques et machiavéliques à souhait. Roland Dumas, tout de noir vêtu, arbore un petit sourire à la Méphistophélès. Dégagé de ses fonctions, il parle sans langue de bois aucune…. Une séquence avec le premier ministre algérien, qui prétexte un rendez-vous de dernière minute au moment où il découvre les raisons pour lesquelles on est venu l’interviewer, constitue une parade contre les soupçons de muck-racking. Enfants des Nuages n’est pas une suite d’interviews accordées en off ou via caméra cachées, ce qui donne encore plus de force à la violence des propos tenus par les acteurs de cette tragédie.

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Pourquoi avoir laissé le Maroc occuper le territoire du Sahara occidental ? Tout simplement parce que c’était à l’époque l’allié de grandes puissances comme la France ou les États-Unis. « Real Politik« , expression qui revient régulièrement dans les bouches des diplomates interviewés, désigne une politique étrangère fondée sur le calcul des forces et de l’intérêt national… Les inserts de cartoons (du dessinateur Aleix Saló) facilitent la compréhension des différents enjeux (politiques, économiques avec un sous-sol riche en phosphates…) qui ont présidé à la tragique destinée du peuple Sahraoui…

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Le réalisateur espagnol n’occulte pas non plus le rôle joué par son propre pays et donne la parole à Felipe Gonzalez. Des images d’archives montrent ainsi le Général Salazar, gouverneur de la Province du Sahara et le roi Juan-Carlos, promettre aux Sahraouis la protection tant espérée durant la Marche Verte menée par les citoyens marocains. Le drame du peuple du Sahara Occidental est finalement d’avoir loupé le coche de la décolonisation. S’estimant trahis par l’ancienne puissance colonisatrice -l’Espagne- ils attendaient qu’on les défende de la menace marocaine… Mais, le franquisme vivait ses toutes dernières heures et l’Espagne devait rattraper son retard en matière de… décolonisation, quitte à tourner le dos aux Sahraouis !

Le seul reproche qu’on pourrait faire au film est de vouloir légitimer sa démarche dénonciatrice en adoptant une position morale…intenable. Enfants des Nuages expose parfaitement les motivations de Javier Bardem pour se lancer dans cette entreprise. L’acteur a partagé le quotidien des Sahraouis, rencontrés lors du FiSahara Film Festival 2008 de Dakhla, un camp de réfugiés en Algérie. Déclic nécessaire pour un militantisme qui ne demandait qu’à éclore au grand jour… sa mère avait défendu la cause sahraoui quand Bardem était tout jeune. Il ne manquait plus que la réalisation virtuose d’Alvaro Longoria -le Goya du meilleur documentaire est amplement mérité- pour mettre en images le désir d’une mobilisation générale…

Mais, les choses se corsent quand le film, sciemment ou pas, mobilise une rhétorique néo-colonialiste pour expliquer l’inquiétude du peuple espagnol vis à vis des Sahraouis… Certes, les quelques combattants sahraouis interrogés semblent pro-Espagnols, ils s’expriment d’ailleurs parfaitement dans cette langue, y compris les plus jeunes d’entre eux. Pendant des années, les familles espagnoles ont accueilli de jeunes enfants issus des camps de réfugiés chez elles, le temps d’un été, histoire de leur faire découvrir autre chose que le sable, la faim et la guerre… Mais, écrire que 200 000 espagnols sont abandonnés au Sahara occidental, c’est finalement continuer à se comporter comme une puissance colonisatrice.

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L’objectif du film étant de susciter la mobilisation internationale, pas étonnant donc que des images des Printemps Arabes soient intégrées au film… Mais, elles provoquent un effet de surenchère dont on aurait pu se passer et jettent une ombre sur la rigueur de l’analyse politique avancée. Sahara occidental, Syrie, Égypte, même combat ? c’est un raccourci simpliste dans un film au demeurant très bien documenté.

Un mot sur la musique : une bande-son parfaite…pour un blockbuster américain ! Accords menaçants, crescendo pour les séquences militaires, grandiloquence pour les scènes de foules… Et là, on tique un peu : Javier Bardem, action hero, super justicier bodybuildé. Et si Enfants des Nuages, finalement, n’était pas aussi la célébration d’une forme de politique spectacle ? La réponse en images, le 30 avril…

Sortie : 30 avril 2014

Durée : 78 minutes

Réalisateur : Alvaro Longoria

Genre : Documentaire

 

 

 

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