In defense of The Book of Boba Fett, Disney +
Il faut peut-être oser l’écrire mais les vrais fans de SF et de Fantasy ont le moral en berne depuis une dizaine d’années et l’avènement de supers-héros à peine pubères sans aucun charisme (qu’on songe à Daisy Ridley ou John Boyega) qui n’ont de cesse d’étaler leurs névroses et états d’âme sur grand écran. On me rétorquera que les super-héros et super-héroïnes ont souvent été des personnages à l’âme torturée, ostensiblement schizophrènes ou atteints de troubles de l’identité mais ce n’était alors qu’un subterfuge narratif pour expliquer de manière simple et sans ambages que le Joker, Harley Quinn ou Hulk étaient à moitié – voire complètement – fous. Dernièrement, regarder un épisode de la franchise Star Wars ou bien n’importe quel épisode de Foundation (la calamiteuse adaptation du cycle éponyme d’Isaac Asimov diffusée sur Apple TV) revenait presque à lire un scenario indigeste ennuyeux à mourir qui aurait été écrit à quatre mains par Annie Ernaux (pour le narcissisme complaisant glauque), Anna Gavalda (pour les bons sentiments niais et le politiquement correct citoyen) et Michel Houellebecq (pour la critique prise de tête sociétale).
A tel point que les fondements de la SF et de la Fantasy sont passés à la trappe : à savoir, libérer l’imaginaire, faire voyager le spectateur-lecteur- dans des mondes futuristes ou fantastiques au bâti cohérent peuplés de héros dotés d’identités singulières mais qui correspondent également à de grands archétypes mythologiques. Le tout rythmé par des batailles épiques et des quêtes dépaysantes. En plus des héros déprimés, le méta (cette réflexion sur le film à l’intérieur du film) est à la mode, ce qui nous donne ces séquences inutiles au récit, énormes clins d’œil dont se seraient bien passés les fans de la première heure, remarques ou images désincarnées qui viennent plomber la narration du nouveau Matrix dont la résurrection ressemble davantage à un coup commercial qu’à une vision filmique ambitieuse. A l’exception du surprenant Warrior Nun, du désopilant Astrid & Lilly Save the World (sorte de Buffy sarcastique au pays des obèses) et du punchy Cowboy Be-Bop (hélas non renouvelé), c’était donc morne plaine sur les écrans.
Et c’est là que débarque The Book of Boba Fett (qui comme Cowboy Bebop) s’est fait dézingué par toute une bande de jeunes blogueurs français conformistes, parangons de vertu qui n’étaient pas encore nés en 1977 et la sortie de La Guerre des Etoiles et qui décidément ne comprennent rien mais rien de rien à la SF ! Passons sur ceux qui comparent ce western futuriste à une telenovela. En plus de flirter avec le racisme le plus nauséabond (eh oui, il y a une tripotée de latinos au casting et aux commandes avec le chilien Pedro Pascal, les mexicains Robert Rodriguez et Danny Trejo, la porto-ricaine Rosario Dawson) l’usage de ce terme témoigne d’une méconnaissance des différents genres cinématographiques et télévisuels.
Pourquoi Boba Fett est-il si jouissif ? Eh bien, parce que ce n’est ni plus ni moins qu’un récit de gangsters sis sur une autre planète, en l’occurrence Tatooine. Au cœur des paysages désertiques, on assiste à l’ascension puis la chute (forcément) et enfin la rédemption d’un homme solitaire, sans amis, un rescapé, presque ressuscité, qui a échappé à une mort certaine en se libérant du Sarlacc, monstre des profondeurs. Ce chasseur de primes, las de risquer sa vie pour des employeurs qu’il juge stupides et indignes de confiance, décide donc de rouler pour lui, de devenir le patron.
Les critiques n’ont cessé de déplorer le manque de cohérence du personnage qui s’érige en grand chef tout en rechignant à user de violence. Comment gouverner un monde anarchique où la règle darwinienne de la survie des plus forts est la seule qui s’applique ? Eh bien, Boba Fett s’entoure de gros bras musclés et de cerveaux machiavéliques qui font le sale boulot à sa place, un peu comme le Parrain avant lui. Il sauve d’abord Fennec Shand, Master Assassin, qui forcément, se met à son service. Même si elle est à jamais liée à Boba Fett à qui elle doit la vie sauve, jamais n’aura-t-on vu personnage féminin plus libre que Fennec dans l’univers Star Wars. En dépit de la complicité qui l’unit à Boba, il est clair qu’elle ne reste à Mos Espa que parce qu’elle y trouve son compte. A l’instar de Boba, Fennec n’obéit qu’à elle seule.
Et c’est bien cette liberté totale qui caractérise les héros de The Mandalorian et ceux de son spin-off, The Book of Boba Fett. Pas étonnant donc que Mando, le héros de The Mandalorian ne s’invite chez Boba Fett, à Mos Espa, pour lutter contre le syndicat du crime des Pykes. Ce cross-over se justifie pour de multiples raisons. D’abord, dans The Mandalorian, Boba Fett est venu en aide à Mando à plusieurs reprises. Mais cette dette n’explique pas à elle seule l’intervention de Mando. On le constate maintes fois dans les deux séries, les protagonistes rompent avec ce qui était attendu d’eux, avec les règles de leur communauté. Mando a retiré son casque pour révéler son visage au moment de dire au-revoir à son protégé Grogu, et lorsque les membres du groupe Mandalorian ultra-orthodoxe mené par The Armorer l’apprennent, il est banni à jamais.
Quant à l’enfant qu’il protège, Grogu, eh bien [attention spoilers], il quitte son instructeur, Luke Skywalker, et choisit d’accompagner Mando dans ses chasses à l’homme à travers l’espace. Ici, point de dilemmes cornéliens au sujet de suivre la Voie des Jedis ou celle des Mandalorians. Les héros de Boba Fett remisent au placard la croyance, le dogme, pour adopter une approche pragmatique des événements. Et dans ces histoires de fils orphelins, abandonnés ou rejetés, la famille devient celle que l’on se choisit.
Les épisodes introductifs condensent des scènes caractéristiques du roman d’initiation (Bildungsroman), particulièrement réussies sur le plan narratif et visuel. Boba Fett découvre une autre manière d’appréhender le monde, de se battre au contact du peuple du désert, les Tuskens. Il canalise sa violence, apprend la patience, l’observation.
Et si les enjeux se mettent en place lentement, le spectateur attentif comprend que l’objectif de Boba est bien de réunir autour de lui une bande de chiens errants, Fennec, le wookie Krrsantan, la bande Mods, Mando, et de les apprivoiser, d’apaiser leur violence, comme il le fait avec le Rancor pour construire une nouvelle société…
Alors oui, les personnages ne rentrent dans aucune case, s’éloignent de leurs homologues sur papier – je songe notamment au Boba Fett des comic-books – ils rompent aussi parfois avec la mythologie jedi (Grogu) mais n’en avait-on pas marre des intrigues basées sur de lourds héritages familiaux ? N’était-il pas temps d’assister enfin à un western galactique -comme l’était le premier opus de 1977 – avec des anti-héros qui s’émancipent du déterminisme familial et social, des mercenaires sarcastiques à l’image d’Han Solo ? En ce sens, Boba Fett renoue avec les origines et nous livre de truculentes scènes de bagarre truffées d’effets spéciaux réussis avec à la bande-son, l’excellent Ludwig Göransson et en générique de fin, des concept arts de qualité.
Depuis 2021 / 45 min / Science fiction, Action
Titre original : The Book of Boba Fett
Créée par Dave Filoni, Jon Favreau
Avec Temuera Morrison, Ming-Na Wen, Pedro Pascual, Jennifer Beals…
Nationalité : U.S.A
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