L’indien au cinéma…
Vous avez jusqu’à demain pour découvrir l’expo Indiens des Plaines au musée du Quai Branly… et profitez par la même occasion d’un peu de clim ! Et si on revenait sur la représentation du « Peau-Rouge » à l’écran. Découvrez ainsi un extrait de Mythes et Gastronomie de l’Ouest Américain, qui paraîtra aux éditions Le Square à la rentrée ! On y croisera John Wayne à Monument Valley, Frank Sinatra à Las Vegas et pleins d’autres acteurs au El Rancho de Gallup (Nouveau-Mexique…)…
L’indien du cinéma : une contrefaçon ?
En 1936, l’historien Stanley Vestal, spécialiste de l’Ouest américain, appelait de tous ses vœux la création d’une loi régissant les représentations cinématographiques des minorités nord-amérindiennes. Il était grand temps d’interdire les « faux Indiens » au cinéma. Selon lui, il fallait créer un appareil législatif propre à l’industrie du film qui serait similaire à l’Indian Arts and Crafts Law adoptée en 1935 afin d’interdire la vente de contrefaçons dans l’artisanat amérindien.
L’indien comme ennemi : un symbole d’union nationale en pleine dépression.
L’Indien est devenu un ennemi sur celluloïd dans les années 1930, en pleine Dépression, à un moment où il faut convoquer les grands mythes fondateurs pour garantir l’Union Nationale. On doute de la capacité du gouvernement fédéral à protéger les intérêts des fermiers et l’Indien devient donc une figure bouc-émissaire idéale pour célébrer l’idéal conquérant d’une Nation forte même dans l’adversité et revitaliser la Destinée Manifeste des États-Unis, s’accomplissant via l’expansion territoriale.
On oublie donc les films pré-1930 comme L’ennemi silencieux –documentaire sur une tribu luttant contre la famine ou The Vanishing American réalisé en 1925. Adaptation cinématographique d’un feuilleton de Zane Gray paru dans le magazine Ladies Home Journal, le film dépeint la crise identitaire d’un jeune Navajo, forcé d’abandonner sa culture d’origine sous la pression de missionnaires bien-attentionnés.
Les films de John Ford : reflet d’une évolution positive ?
Dans les films de Ford, les Navajo interprètent des guerriers Comanches ou Cheyennes. Ces derniers sont dépeints comme des sauvages (Stagecoach) ou des soulards pathétiques (Drums Along The Mohawk) qui perpètrent des rapines et des enlèvements d’enfants comme dans La Prisonnière du Désert (tourné à Monument Valley en 1956).
Vers la fin de sa carrière, Ford nuance son propos de plusieurs manières. Il présente ainsi des Indiens devenus sanguinaires pour venger la mort de leurs familles, tuées par des colons blancs sans scrupules. En 1964, il évoque aussi la dépossession des terres indiennes, notamment dans Cheyenne Autumn, l’un de ses derniers films. Ford souhaitait s’amender auprès des tribus indiennes qu’il avait contribué à stigmatiser : « Je voulais le faire depuis des années, j’ai tué plus d’Indiens que les généraux Custer, Beecher et Chivington réunis et les spectateurs européens se sont toujours beaucoup intéressés aux Indiens. Il y a deux versions bien sûr de cette page de l’histoire mais je voulais mettre en scène leur point de vue pour changer. Regardons la vérité en face : nous les avons vraiment maltraités, c’est une tâche sur notre beau blason. Nous les avons trompés, volés, tués, assassinés, massacrés et bien plus encore. Et lorsqu’ils avaient le malheur de tuer un seul homme blanc, on leur envoyait toute une armée… »
Cheyenne Autumn est basé sur des faits véridiques, la fuite d’un groupe de Cheyennes, enfermés dans une réserve stérile et inhospitalière de l’Oklahoma, alors qu’on leur avait promis, après signature du traité de Fort Laramie le 29 avril 1868, qu’ils pourraient retourner vivre auprès des Sioux dans les actuels Montana et Dakota.
La version de Ford, très épique, ne colle pas complètement à la réalité, des acteurs non-Amérindiens continuent d’interpréter des rôles de Native-Americans…mais la réalisation est suffisamment empathique pour attirer l’attention du spectateur sur le sort tragique des Cheyennes.
De Broken Arrow à Danse avec loups : les clichés ont la vie dure !
A la veille des années 1960 et du mouvement de contestation pour les droits civiques, les productions cinématographiques montrent des héros blancs désireux de mieux comprendre les minorités indiennes comme dans Broken Arrow où James Stewart apprend la langue apache. Mais les représentations positives des Indiens n’échappent pas aux stéréotypes : de sanguinaire, l’Indien est devenu naïf et innocent, un bon sauvage guidé par une figure héroïque blanche (Kevin Costner, des plumes dans les cheveux), dans Dance avec les Loups. Dans son livre Playing Indian, l’historien Philip J. Deloria, le fils de l’activiste et universitaire Vine Deloria, a recensé les emprunts vestimentaires, politiques ou spirituels faits aux cultures amérindiennes depuis la fin du 19ième siècle jusqu’à la multiplication des groupes new-age contemporains. L’indien, mort ou vivant, continue de fasciner.
Mythes et Gastronomie de l’Ouest américain
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ISBN-13: 979-1092217131
Nausica Zaballos
Le Square Editeur – Parole Publique
06 Octobre 2014
160 pages, 19 X 15 cm
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