Le peuple loup, de Tomm Moore & Ross Stewart, le 20 octobre
On aime beaucoup les deux jeunes héroïnes du nouveau film de l’enchanteur Tomm Moore qui avec Le Peuple Loup poursuit son exploration des mythes et légendes du peuple irlandais tout en signant une nouvelle ode à la Nature. Soit Robyn, petite anglaise orpheline de mère, transplantée dans un village irlandais qui aimerait bien être délivré du joug de l’envahisseur. Son père est le bras armé du nouveau Lord Protecteur anglais qui non content de terrifier la population locale s’est mis en tête de défricher toute la forêt avoisinante, une manière symbolique d’imposer son idée de civilisation aux paysans encore trop païens à son goût. Le père de Robyn est chargé d’éliminer la dernière meute de loups et la gamine, l’esprit aventureux, aimerait bien l’accompagner à la chasse. Désobéissant à ses ordres, Robyn fait ainsi la connaissance de Mebh, petite fille le jour, louve la nuit. Alors que l’étau se resserre sur le Peuple Loup, la jeune anglaise est bien décidée à contester les ordres du nouveau Protecteur, quitte à susciter l’incompréhension de son père avec qui elle est pourtant très complice.
Très vite, tous les enjeux scénaristiques sont en place. La disparition mystérieuse de la maman de Mebh, les difficultés du père de Robyn à concilier vie familiale et professionnelle, la métamorphose progressive de Robyn en créature mi humaine mi animale. Tomm Moore tisse son écheveau avec brio tout en soignant les décors avec les inspirations (Klimt, les peintres de la Sécession Viennoise…) qu’on lui connaît déjà. La dense forêt se pare de myriade d’arabesques aux couleurs chatoyantes que viennent souligner les cheveux roux fous de Mebh. Si les formes circulaires prédominent, la vision labyrinthique des toits de la cité médiévale – prétexte à des courses-poursuites haletantes – offre aussi un rendu très cubique.
En plus de ses qualités visuelles indéniables, le film s’appuie sur un contexte historique qui permet de mieux saisir l’origine des relations conflictuelles entre anglais et irlandais à travers les siècles. L’action se déroule dans la ville de Kilkenny d’où sont originaires Tomm Moore et son co-réalisateur Ross Stewart, et tous deux ont choisi de situer l’affrontement entre le Peuple Loup et le Protecteur en 1650, un an après l’écrasement de la révolte irlandaise par Oliver Cromwell. Si au début Robyn n’apprécie guère les gamins mal fagotés irlandais et les paysans, elle finit par comprendre leur colère et comme eux, elle apprendra à respecter la valeur des enseignements celtiques immémoriaux.
A travers la figure dévote et autoritaire du Lord Protecteur, qui envoie Robyn comme les autres femmes en cuisine et voue une haine viscérale aux loups, figures d’insoumission, l’opposition entre religion hiérarchisée et spiritualité saute aux yeux. Le Peuple Loup constitue une menace aux yeux du pouvoir anglais parce que sa simple présence, même cachée dans les bois, continue de nourrir les croyances animistes des villageois.
Comme dans les précédents films de Tomm Moore, et notamment Brendan et le Secret de Kells qui narrait dans un style flamboyant le destin mouvementé d’un des plus beaux livres d’enluminures, on retrouve le même schéma narratif. A l’instar de Brendan, prisonnier des hauts murs encerclant son abbaye, Robyn n’a pas le droit de s’aventurer dans la forêt toute proche. Les héros mis en scène par Tomm Moore sont toujours amenés à enfreindre les interdictions et dépasser leurs propres peurs pour progresser dans la vie. Récit initiatique qui célèbre la communion nécessaire avec les forces de la Nature afin de s’élever au delà de la matérialité et des systèmes de pensée asservissants, Le Peuple Loup témoigne une nouvelle fois de la maestria et de l’immense force poétique de l’un des meilleurs réalisateurs de films d’animation actuels.
20 octobre 2021 en salle / 1h43min / Animation, Aventure, Famille, Fantastique
De Tomm Moore, Ross Stewart
Titre original : Wolfwalkers
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