Tonton Manu, de Thierry Dechilly, Patrick Puzenat, le 20 octobre 2021 en salles

Saleté de covid qui abat des seniors plus fringants que des trentenaires. Manu Dibango impressionnait tout le monde, politiciens français ou africains, qui le rencontraient afin de lui épingler maintes décorations, héritiers de la world music comme le cubain Omar Sosa, instrumentistes de l’orchestre symphonique du Brésil à l’occasion des JO de 2016, ou jeunes collégiens de l’établissement sarthois qui l’avait accueilli en France, dans les années 50. Manu, c’était une personnalité imposante, par son aura, sa stature d’excellent musicien, et sa silhouette massive. Mais, c’était surtout un homme très accessible, d’une générosité incroyable avec un humour et une sagesse qui remettaient les choses à leur place.

A Rio, à l’occasion des JO.

Tonton Manu, construit comme un road-trip, entre Kinshasa, Paris, Rio, New York et Saint Calais dans la Sarthe, saisit les différentes facettes de l’homme et du musicien. Amoureux fou de l’Afrique, il ne cessait d’établir des ponts entre les cultures. Ambassadeur de la francophonie pour l’UNESCO, il défendait les métissages – il avait d’ailleurs épousé une jolie blonde belge – qui rendent plus riches de tout. Connu pour ses tubes planétaires de world music, il n’en demeurait pas moins un excellent jazzman, qui se produisait aussi bien au Caveau de la Huchette qu’au mythique Apollo de New York. Débonnaire, pas prétentieux pour un sou, il n’en était pas moins un esthète très cultivé.

Devant l’Apollo Theater, à New York.

Au delà du simple portrait, ce documentaire musical qui suit Manu dans sa vie d’artiste et de personnalité publique, caméra à l’épaule, sur plus de 5 ans, est une habile réflexion sur le rôle joué par les artistes africains dans la promotion de la francophonie et du vivre-ensemble. Manu était bien conscient du traumatisme causé par des années de colonisation, lui qui avait collaboré avec Joseph Kabassele Tshamala, l’auteur du célèbre tube Indépendance Cha Cha qui célébrait l’indépendance en Afrique Noire, mais il avait toujours un discours à la fois fier et apaisé.

En studio, avec Omar Sosa, artiste cubain.

D’après le documentaire, ce qui lui importait le plus au monde, c’était de continuer à ouvrir la voie à de jeunes musiciens et de donner une place de choix à la musique africaine sur la scène internationale. Le documentaire ravira tous les amoureux de musique, au sens large du terme, du jazz (on y entend des extraits de concerts donnés au Caveau de la Huchette, à l’Apollo Theater et dans d’autres clubs / festivals), au symphonique – Manu collabora avec un orchestre classique à l’occasion des JO, se produisit aussi avec les musiciens du Metropole Orchestra à Rotterdam – en passant par le rap – on entend l’un de ses magnifiques solos aux côtés de Black M – et bien sûr la world, avec l’ensemble des membres du Soul Makossa.

Les captations de concerts alternent avec les interviews des proches, ses collègues à Africa Radio, d’artistes (Charlélie Couture, Black M, Yannick Noah, Ray Lema…), de diplomates (celle du consul général de Belgique, Bernard Quintin qu’on entend aussi chanter Indépendance Cha Cha, vaut son pesant d’or !), de responsables de la SACEM, ou d’amis d’enfance. Et bien sûr, on entend avant tout la voix de Manu, vieux sage qui s’exprime toujours sans ambages, que ce soit face au maire de Paris, un président africain, ou des jeunes de banlieue, du début du tournage (son anniversaire célébré à l’Olympia pour ses 80 ans) jusqu’à la fin du tournage, à 85 ans. Saleté de Covid, tu nous as enlevé l’un des musiciens les plus doués du XXe siècle et un homme d’une intelligence rare. Tonton Manu lui rend hommage et à juste titre !

20 octobre 2021  / 1h30min / Documentaire
De Thierry Dechilly, Patrick Puzenat

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