Bloody Milkshake, de Navot Papushado, le 21 juillet
Énième film qui surfe sur la vague anti-patriarcale de l’ère post Me Too, Bloody Milkshake déçoit. Et pourtant, tous les ingrédients étaient présents pour obtenir un excellent pop corn movie estival. D’abord, un cast qui réunit plusieurs excellentes actrices. Karen Gillan (appréciée dans Doctor Who et Les Gardiens de la Galaxie), dans le rôle principal de la tueuse professionnelle, très remontée contre ses anciens employeurs, partage l’affiche avec Michelle Yeoh (Tigre et dragon) et Angela Bassett (Tina, American Horror Story).
Ensuite, un directeur photo bien inspiré (l’éclairage bisexuel magnifie les hangars, bowlings, parkings et autres lieux désaffectés) et des décors chocs : du diner, terrain neutre où se retrouvent les tueurs – priés de laisser au vestiaire leurs armes – pour discuter, à la librairie remplie de passages secrets qui abrite les trois marraines de choc.
Et pour finir, des scènes de baston très bien chorégraphiées. Mais, c’est peut-être justement là le problème. Si les 45 premières minutes constituent un savant mélange d’humour et d’action en mettant en scène des affrontements tragi-comiques entre 3 hommes de main débiles (justement surnommés les 3 Stooges) et une tueuse si efficace qu’on la croirait dotée de supers-pouvoirs, le reste du film s’enlise dans une diatribe féministe superficielle, énoncée via des dialogues peu inspirés, noyés sous un amoncellement de corps masculins, parfois déchiquetés, en tout cas, toujours malmenés.
Les divers arcs narratifs qui permettraient aux personnages féminins d’échapper à la caricature ne sont jamais développés et la violence qui déferle – même si elle est toujours bien mise en scène – interpelle dans ce film qui se veut un récit de transmission mère-fille. Sam et sa mère – qui fut contrainte de l’abandonner enfant – sont les pions d’un jeu malsain créé par les hommes pour servir les intérêts des hommes. Soit, mais alors, pourquoi entraîner dans cette spirale en apparence sans issue une petite fille de 8 ans ?
L’évolution de Sam – de tueuse sans état d’âme à protectrice d’une enfant sans défense – est conçue comme une catharsis. C’est en se rebellant contre ses employeurs qu’elle conquiert sa liberté. Ce n’est pas tant les invraisemblances propres au genre du film d’action qui gênent : voir Carla Gugino se relever après une blessure mortelle n’est pas sans rappeler Sylvester Stallone ou Bruce Willis, dans des rôles de guerriers similaires.
Mais le personnage de Sam reste si superficiel qu’on ne croît jamais à sa complicité avec sa mère, et surtout avec son apprentie, la petite Emily. Au final, en dépit de ses imperfections, le film se laisse malgré tout regarder sans déplaisir, grâce notamment à ses scènes d’anthologie comme la course poursuite dans le parking souterrain ou l’affrontement dans le bowling. Remake féminin et féministe de films comme Léon de Luc Besson ou de John Wick avec Keanu Reeves, Bloody Milkshake ne répond pas à la question de fond : pour s’affranchir du patriarcat, doit-on devenir aussi violente et destructrice que les hommes qu’on fustige ?
21 juillet 2021 en salle / 1h54min / Action, Thriller
De Navot Papushado
Avec Karen Gillan, Lena Headey, Chloe Coleman
Titre original : Gunpowder Milkshake
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