Expo Louis de Funès, Cinémathèque Française, derniers jours, jusqu’au 1 août…
A la cinémathèque française, une chouette exposition doublée d’une rétrospective permet de (re)-découvrir les films de Louis de Funès, l’un des grands de la comédie made in France aux côtés de Bourvil qui fut son comparse dans les films réalisés par Gérard Oury. L’expo ne se contente pas de nous plonger dans les « jours heureux » des années 1950 à l’élection de François Mitterrand, elle analyse finement la success story d’un fils d’immigré qui à travers ses rôles comiques se moquait, en excellent fantaisiste, des pouvoirs en place. On aurait tort de réduire De Funès à un saltimbanque doué en grimaces. C’était un artiste total comme le montre la salle de l’expo intitulée Le Fou Dansant. Plusieurs extraits de films sur écran géant y sont projetés : la célèbre séquence hassidique de Rabbi Jacob mais aussi et surtout les chorégraphies de L’Homme Orchestre (« Piti Piti Pa »), Le Grand Restaurant…
L’expo éclaire aussi d’autres aspects de sa personnalité. On y apprend ainsi qu’il se souciait de l’écologie avant que cela ne devienne à la mode. Ses cartes de sociétaire de clubs d’horticulture, de pêche à la ligne y sont exposées tout comme un extrait de l’INA qui le montre appelant les Français à descendre dans la rue manifester pour sauver la planète (déjà en 1970 !) C’est d’ailleurs son amour pour le monde rural qui le pousse à jouer dans La Soupe aux Choux, l’adaptation cinématographique du roman éponyme de René Fallet paru en 1980. De Funès ne se contente pas d’interpréter, il collabore aux scenarii (comme pour La Soupe aux Choux et L’avare), il propose et dirige les séquences de gags comme en attestent ses nombreux calepins exposés où il note frénétiquement à toute heure du jour de futurs sketches.
A l’origine pianiste de jazz, De Funès accède à la célébrité et à la reconnaissance sur le tard, et dans un domaine différent. Mais, d’après les extraits d’interviews, il ne semble pas le regretter. C’est un artisan qui a amélioré son jeu, ses techniques d’acteur au gré des expériences, des tournages et des rencontres. Celle avec Gérard Oury est déterminante. La cinémathèque expose plusieurs objets et lettres qui témoignent de la relation parfois houleuse mais toujours pétrie d’estime entre le réalisateur de grands succès populaires, entré à l’académie des beaux-arts en 1998, et son acteur fétiche. Et aussi une lettre de François Truffaut qui reconnaît avoir aimé Le Corniaud.
L’expo est donc aussi celle de Gérard Oury avec plusieurs salles consacrées à leur fructueuse collaboration. On y apprend qu’Oury faisait fi de la superstition des acteurs envers la couleur verte en incorporant dans ses films un élément toujours vert, la jaguar verte de Saroyan dans Le Corniaud, la cuve du chewing-gum des Aventures de Rabbi Jacob. Cette ligne verte est un hommage au peintre Raoul Dufy que sa mère connaissait personnellement.
Les décors présentés sont somptueux : les pièces détachées de la 2CV conduite par Antoine Maréchal (interprété par Bourvil) au début du Corniaud (100 petits explosifs ont été nécessaires pour sa dislocation), le costume de paon dans L’avare, la voiture de Fantomas, la tenue d’extraterrestre portée par Jacques Villeret…
Une salle est consacrée aux travestissements de l’acteur qui apparaît régulièrement en femme comme lorsqu’il se grime en noble, ou en bonne soeur. Avant même les études sur le genre, De Funès, par son jeu irrévérencieux, trouble l’image du mâle, comme dans cette séquence d’anthologie du Corniaud face au Monsieur Muscle français (Bobby Duranton) de l’époque.
De Funès a beau incarner l’ordre, notamment avec son personnage de gendarme, il tourne en ridicule les puissants, et si La Grande Évasion réconcilie les français avec la période trouble de l’occupation, La traversée de Paris, elle, dénonce les heures sombres.
L’expo est aussi l’occasion de retrouver des seconds rôles savoureux : Max Montavon, Jean Droze, Alice Sapritch… Que diraient-ils de notre drôle d’époque ?

Au milieu, entouré de De Funès et Jacques Ferriere, l’inénarrable Jean Droze et ses sublimes lunettes noires ! Le Corniaud.
Jusqu’au 1ier août,
La cinémathèque française
51 Rue de Bercy, 75012 Paris
M° Bercy / Lignes 14, 6.
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