Con La Pata Quebrada : Retourne à Tes Fourneaux, Diego Galán, DVD, mai 2015

L’année dernière, un peu à la même époque de l’année, on vous conseillait d’aller voir en salles le très bon documentaire espagnol Con la pata quebrada, qui à travers un super travail d’archives, montrait l’évolution de la femme dans les films ibères. Cette semaine, le DVD du film de Diego Galán est en vente. L’occasion de voir ou revoir Con la pata quebrada qui peut aussi être exploité par les enseignants dès la 3e; ça tombe bien, le DVD est enrichi d’un dossier pédagogique de 42 pages qui traite bien sûr de la place de la femme dans la société espagnole sous la seconde république, le franquisme et la transition démocratique mais aborde aussi des thèmes plus larges comme les media, et les lieux et formes de pouvoirs. A noter aussi parmi les bonus, un entretien avec le réalisateur pour mieux comprendre ses choix cinématographiques et le montage.

DVD  (2 mai 2015) / Prix de vente TTC : 19.99€ / Bonus

• Bande annonce cinéma France

• Entretien avec Diego Galán, le réalisateur

• La Filmographie complète du film (180 extraits )

• Le dossier pédagogique dans la partie ROM

Critique parue le 30 juin 2014 :

A l’occasion de la fête du cinéma, découvrez vite le film espagnol Con la Pata Quebrada, Retourne à Tes Fourneaux, en salles depuis le 18 juin. Sélectionné pour Cannes Classics, ce documentaire à l’humour féroce retrace l’évolution de 1930 à nos jours de la représentation cinématographique des femmes en Espagne. Le titre du film reprend un dicton populaire particulièrement misogyne selon lequel « la seule place d’une femme honnête serait d’être enfermée à la maison, avec une jambe cassée. »

Diego Galán (journaliste et directeur du festival de Saint-Sébastien) a sélectionné plusieurs images d’archives qui donnent à voir la violence des rapports hommes-femmes dans une Espagne à jamais marquée par l’héritage du franquisme. S’interroger sur la représentation filmique de la femme permet ainsi de faire, en creux, l’histoire politique d’un pays sorti, finalement assez récemment, de la dictature et du totalitarisme. Et peut-être tenté d’y replonger ? qu’on songe aux retours en arrière en matière de droit à l’avortement… La femme, jusqu’à la transition démocratique amorcée par la mort du Caudillo, est le reflet d’une société patriarcale où la religion joue un rôle très important dans le contrôle des mœurs et des politiques familiales.

Q2

Les films produits à cette époque se veulent édifiants : il faut absolument préserver la sacro-sainte famille et mettre en garde les jeunes filles contre les dangers du libertinage. Hors du mariage, point de salut. Les héroïnes des films à succès sont forcément présentées sous un éclairage clivé et manichéen. Quatre types de personnages se dégagent de la sélection opérée par le réalisateur : la femme honnête, une mère de famille affairée aux fourneaux, la religieuse (modèle d’abnégation et de pureté), la vieille fille (forcément acariâtre et laide), et le summum du mal, la tentatrice, animal dangereux qui brise les mariages, heureusement punie à la fin. L’intérêt du documentaire est de montrer qu’aucun personnage féminin -même la femme au foyer- n’était montré sous un jour favorable. Les relents misogynes sont bien évidement palpables dans les extraits sélectionnés où l’on voit des hommes avec une certaine expérience -prêtres, époux- donner des conseils aux jeunes mâles, proies faciles…

Soeur qui pleure

On aurait aimé que Diego Galán s’attarde un peu plus sur le contexte politique et social permettant à ces représentations filmiques de proliférer à l’écran. Le réalisateur évoque ainsi -trop rapidement- le rôle joué par les ambassadrices de l’Espagne à l’étranger, de belles actrices ou danseuses qui portaient la parole du Caudillo en Argentine ou dans d’autres pays qui avaient accueilli de nombreux républicains, fuyant le régime dictatorial. Symboles d’un cinéma de propagande, ces professionnelles du divertissement avaient pour mission de se montrer hyper-féminines et séduisantes, histoire de prouver aux réfugiés que l’Espagne n’étaient pas un pays si rétrograde que ça.

Mujeres en el coche

Le processus de production et de censure (avec embrigadement des jeunes actrices) aurait ainsi gagné à être mis en lumière : au milieu des 180 extraits de films sélectionnés, on retrouve l’espace de quelques secondes, Raza,dont le scenario fut écrit par Franco. Mais, la narration, qui respecte un fil historique chronologique, est finalement assez rassurante pour le spectateur et permet aussi certaines mises en abîmes. Alors que les productions des années 1940 à 1960 véhiculaient une histoire d’Espagne passant sous silence les heures noires de l’inquisition ou de la conquête des Amériques, le cinéma des années 1970 et 1980, remettra en question certaines héroïnes nationales telles que la Reine Isabelle la Catholique.

Femmes Marins

 

On aurait tort de penser que le cinéma espagnol s’est libéré avec la mort de Franco en 1975. Certes, l’éclosion d’un Almodovar, assez peu évoquée dans le documentaire, aurait difficilement eu lieu sous le règne du Caudillo. Con la Pata Quebrada montre que le développement économique du pays, via le tourisme de masse et le bétonnage des côtes dès les années 1960, a été le coup d’envoi à des films échappant à la censure. La femme pouvait se déshabiller en public, elle avait gagné un corps mais conservait une cervelle de poule (Objetivo: bi-ki-ni, 1968). En même temps, ce type de films existait aussi en France, qu’on se rappelle des productions avec Louis de Funes ou les Charlots… Dans ses dernières minutes, le documentaire s’attache à parcourir le discours social des longs-métrages de la fin des années 1970 et du début des années 1980 qui traitent de l’avortement (Abortar en Londres, 1977) ou du divorce (Caray con el divorcio, 1982). Au final, un survol plaisant et souvent très drôle de plus de 60 ans de cinéma ibérique -relativement méconnu- qu’il conviendra de compléter avec quelques lectures…

Con la pata quebrada (Retourne à tes fourneaux)
Un documentaire de Diego Galán
Espagne | 2013 | 1h22
Sélection officielle Cannes Classics, Sélection officielle Festival Cinespaña, Sélection officielle Festival du Film Espagnol Nantes, Prix CineHorizontes Meilleur Documentaire
Distributeur : Iberi Films
Sortie en salles le 18 Juin 2014

 

 

 

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