Warrior Nun, en ce moment, sur Netflix
Quand Mister Geek m’a présenté Warrior Nun comme le nouveau Buffy contre les Vampires, j’étais sceptique, ayant par le passé été plusieurs fois déçue par des séries fantastiques diffusées sur Netflix… Mais, les épisodes étant tous filmés en décors naturels en Andalousie, dans la sublime province de Malaga (une ville que j’adore !), je me suis laissée tenter et je n’ai pas été déçue ! Si Warrior Nun n’est pas complètement exempt de défauts (notamment la sous-intrigue avec la femme scientifique qui veut trouver un passage vers le paradis), c’est la série féminine fantastique qu’on attendait toutes (et peut-être tous) depuis the Vampire Slayer.
D’abord, il y a un petit côté hédoniste sea, sex & sun pour le moins surprenant -mais très agréable pour une série diffusée l’été– dans une histoire qui met en scène un ordre de religieuses qui combattent les forces démoniaques. Mais cette ambiance n’est pas du tout incongrue car elle sert l’intrigue et participe à l’évolution du personnage principal. Eva, orpheline quadriplégique, a grandi dans une ville balnéaire qu’elle n’a jamais pu découvrir puisqu’elle était aux « mauvais soins » de sœurs sadiques qui l’empêchait de quitter sa chambre et son lit. Mais le destin (ou Dieu qui devait s’ennuyer ce jour là) en a décidé autrement : à la veille de son 18e anniversaire, elle revient d’entre les morts avec de supers pouvoirs conférés par un mystérieux halo qu’une nonne infirmière, et combattante du mal, lui a enfoncé dans le dos avant de succomber à un dangereux démon.
Les trois premiers épisodes sont donc presque entièrement centrés sur Eva qui est bien décidée à rattraper le temps perdu, en dansant, courant sur la plage, et se faisant de nouveaux amis. Devoir contre plaisir, l’axiome était déjà à l’œuvre dans Buffy contre les Vampires avec une héroïne qui rêvait de pouvoir vivre comme une adolescente de son âge. Les 4 premiers épisodes, sans sacrifier au fantastique puisque le port du halo implique d’être pris en chasse par des créatures de l’enfer, sont centrés sur les premiers pas d’Eva, non pas comme tueuse de démons puisqu’elle fuit devant les responsabilités et le danger, mais comme jeune femme qui s’éveille lentement à tout, l’amitié mais aussi l’amour, dans les bras du beau JC.
L’alter-ego masculin d’Eva est un gosse de riches qui au décès de sa mère, a décidé de parcourir le monde en volant l’identité de propriétaires de villas somptueuses en bord de mer. On retrouve ici l’intrigue de The Bling Ring réalisé par Sofia Coppola qui décrivait comment un gang d’ados de classe moyenne avait squatté les demeures de stars, utilisant leur garde-robe et autres avantages matériels avant de se faire pincer par la justice. Mais ce mélange des genres n’a rien de mièvre grâce aux dialogues souvent percutants et à un sens de l’auto-dérision qui désamorce les clichés.
L’humour omniprésent surfe sur le girl power et bouscule (voire violente) les mecs à tel point que JC, qui se posait en sauveur de la damoiselle poursuivie par de mystérieuses nonnes armées, sera finalement éjecté du cadre dans une séquence mémorable qui réduit à néant son sex-appeal (et pourtant on le trouvait mignon ce JC, snif, snif…) Le reste des épisodes développe un peu plus la personnalité et les attentes de chaque nonne, Camelia la réservée, Lilith la fière, Mary la solitaire et Béatrice l’experte en arts martiaux toujours zen, interprétée par la géniale Kristina Tonteri-Young qui vole presque la vedette à l’ironique et nihiliste Alba Baptista.
Toutes ces sœurs ont un sacré passif, et une quantité de névroses bien mises à profit dans un scenario retors en diable dont la fin vous laissera pantois avec un retournement de situation si bien préparé qu’il était impossible de l’anticiper. Sous ces airs de série SF badass remplie de combats superbement orchestrés, Warrior Nun est donc plus subtil qu’il n’en a l’air.
L’Église catholique apparaît dans toute sa complexité : un refuge pour certaines personnes au passé trouble ou qui sont incapables de s’ajuster à une vie dite « normale », une institution où pervers et assoiffés de pouvoir peuvent prospérer sans réelles limites, mais aussi un lieu où l’on rencontre de belles âmes, au service des autres et du Bien. La série est adaptée d’un comic book, Warrior Nun Areala, de Ben Dunn publié de 1994 à 2003. L’auteur est un Américain d’origine taïwanaise qui, après avoir poursuivi sa scolarité dans des établissements catholiques, s’est inspiré de l’expérience des Sœurs de la Fraternité Notre-Dame, établies dans le quartier d’East Harlem et adeptes d’arts martiaux.
La vision portée sur ce petit monde de nonnes et de prêtres est souvent nuancée comme le montrent les portraits ambigus de Mère Superion et du Cardinal Duretti; et à plusieurs reprises, à travers l’étrange camaraderie qui unie Eva à ses sœurs d’armes transparaît une jolie émotion. Que dire de plus ? Les décors naturels sont superbes : plusieurs épisodes se déroulent à Ronda, village perché au-dessus du Tage, mais aussi à Antequera où sont filmées les scènes d’intérieur dans la Real Colegiata de Santa María la Mayor, censée être le QG de l’ordre d’Eva… Le spectateur voyage d’églises baroques en plages paradisiaques, visitant châteaux fortifiés et petites villes médiévales… La population locale a été mise en contribution et l’on entend plus d’une fois parler les différents protagonistes avec des seconds rôles espagnols, en espagnol ! Ajoutez à cela des affrontements chorégraphiés au millimètre, de l’humour, d’excellents acteurs, une chouette bande-son… prions pour que la saison 2 soit tout aussi réussie !
Depuis juillet 2020 / Science fiction
De Simon Barry
Avec Alba Baptista, Toya Turner, Lorena Andrea
Nationalité U.S.A.
Chaîne d’origine Netflix
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