Un Mundo secreto, Gabriel Mariño, Cinélatino, 28 mars 2012

Portrait psychologique tout en finesse d’une lycéenne à la dérive qui prend la route, Un Mundo Secreto dresse aussi un état des lieux du Mexique aujourd’hui à travers les différentes rencontres effectuées par son héroïne principale. Maria a 17 ans, presque 18. Elle n’a pas d’amis, juste des amants de passage à qui elle se donne, sans plaisir et sans dégoût non plus. Son seul confident est son cahier sur lequel, le jour de sa graduation party (fête de fin de cursus au lycée), elle couche les compliments et messages d’adieux qu’elle aurait aimé qu’on lui fasse. Étrangère à elle-même et aux autres, presque autiste, elle va pourtant connaître une métamorphose radicale après avoir décidé de quitter son domicile .

Maria, avec son baluchon, ressemble beaucoup à une autre héroïne routarde, Wendy du film Wendy et Lucy réalisé par Kelly Reichardt en 2008. Prendre la route, découvrir le monde avant de débuter sa vie d’adulte, n’est-ce pas le rêve de nombreux adolescents ? On songe à Kerouac, aux beatniks d’hier, aux hobos d’aujourd’hui… Mais, Maria est issue d’une famille relativement aisée. Elle n’a jamais connu la pauvreté. Arpenter les rues de villes inconnues, se débrouiller pour trouver de la nourriture n’est donc pas vraiment une nécessité, plutôt une manière d’exercer sa liberté. Cela, elle ne le sait pas encore avant de fuguer. Son départ se produit après un ultime corps à corps bestial, sans âme.

La mise en scène de la sexualité n’est jamais gratuite dans Un Mundo Secreto. Elle prend la place des mots pour décrire l’état d’esprit de Maria. Les dialogues d’Un Mundo Secreto sont courts, quasi elliptiques. Mais, ils en disent beaucoup sur la violence du quotidien, sur les clivages sociaux. Le film de Gabriel Mariño est âpre, à l’image de Maria et des paysages filmés.

Pourtant, au fil des minutes, alors que la jeune femme semble rompre toute attache, une vérité et une beauté se laissent deviner. Contrastant avec des films qui, tels El Infierno de Luis Estrada (au demeurant très réussi), montrent un Mexique ultra-violent, Gabriel Marino choisit un autre parti pris. La froideur et le vide moral de Maria  fondent comme neige au soleil au contact de la générosité de jeunes moins aisés qui habitent des territoires pourtant réputés ultra-violents. Un Mundo secreto est l’histoire d’une rédemption et d’un rêve réalisé. Le voyage de Maria est une quête initiatique où les objets trouvés sur la route (un chausson de bébé) ou gardés en souvenir (la veste de Juan, son dernier amant) protègent et promettent un avenir meilleur.

La figure du père absent est palpable tout au long du film. Maria vivait seule avec sa mère. Le père du petit Roland est parti travailler aux Etats-Unis. Malgré son amour naissant pour Maria, Juan traversera lui aussi la frontière. Mais, ce qui pourrait n’être considéré que comme un simple rouage scénaristique devient la métaphore d’un gouvernement qui abandonne ses enfants. Les effets dévastateurs de l’attrait pour les USA sont ici évoqués avec beaucoup de subtilité, sans jamais alourdir le récit. La réussite du film tient dans sa fraîcheur, son honnêteté et surtout sa finesse. Jamais démonstratif, Un Mundo Secreto n’a pas vocation à être didactique. Tel un peintre impressionniste, touche par touche, Gabriel Marino créé un tableau où chaque détail renvoie à une sensation, une émotion, qui permettent d’accéder à la connaissance de soi et des autres. La fin du film, entre ciel et mer, baignée de lumière, se veut résolument optimiste. Si elle marque la fin du voyage pour Maria, on comprend que d’autres routes restent à parcourir…

1h 27min / Drame
De Gabriel Mariño
Avec Lucía Uribe Bracho, Roberto Mares, Olivia Lagunas…
Nationalités : suisse, mexicain

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