Cinélatino 2020, Um animal amarelo (a yellow animal), Felipe Bragança

L’édition 2020 in situ du festival Cinélatino de Toulouse ayant dû être annulée à cause du coronavirus, la compétition a lieu en ligne sur Festival Scope Pro.

A travers le temps et l’espace, un esprit hante une famille façonnée par le meurtre, la culpabilité et la soif de richesses. Le réalisateur brésilien Felipe Bragança conte une épopée transfrontalière entre Brésil, Mozambique et Portugal, portée par un héritier sans le sou qui tente de mettre en images le fardeau indicible légué par son grand-père, un ancien mineur.

Le banquier qui refuse un prêt à Fernando reste dubitatif quant au potentiel vendeur des apparitions – un os magique, un monstre jaune, un vieillard amoureux – qui tissent le scenario d’un film qui semble échapper à son propre réalisateur. Mais qui est la créature de qui ?

Par l’acte artistique, Fernando entend bien donner sens aux obsessions qui le tiraillent depuis l’enfance. Mais, l’esprit tourmenté de son défunt grand-père et le fantôme impassible de l’esclave africain qui prend un malin plaisir à engloutir chacune de ses petites amies, ne le conduisent-ils pas à reproduire les erreurs du passé ?

Entrelaçant destins individuels et nationaux, le film dessine un étrange triangle où les jeux de l’amour et du négoce ne sont prétextes qu’à assouvir les plus inavouables passions sur fond de domination coloniale. Il se dégage du film de Felipe Bragança le parfum capiteux et décadent d’un empire en pleine déréliction morale et financière.

L’entreprise du réalisateur paraît relever tout à la fois d’un amour immodéré pour le réalisme magique que d’un désir de s’affranchir du poids du passé, en donnant la parole aux sans-voix, ces esclaves soumis et violentés. Pas étonnant donc que la voix off qui finit par supplanter le point de vue du personnage principal, un double du réalisateur, soit celle d’une femme, noire, femme d’affaires intransigeante, sublime maîtresse d’un duo homme-femme, eux-mêmes noirs, qui forment un trio vorace, uni par le partage d’un même désir de pouvoir et d’une mémoire de peines.

Tour à tour mélancolique et drôle, Um animal amarelo malmène son héros réalisateur, personnage lunaire qui tient plus de Buster Keaton que de James Bond, malgré tout le mal qu’il se donne à enfiler des complets d’agent secret. A la fois instrument et fin, Fernando se plie de bonne grâce à des jeux SM pour mieux prendre la tangente.

Le cheminement cinématographique entrepris – on se projette dans le futur pour revivre le passé, on avance en cercles concentriques qui s’entrecoupent sans cesse, on part pour mieux revenir – fait penser à un film qui tournerait en rond. Profondément roublard, Um animal amarelo se joue des attentes du spectateur pour composer sa propre musique, entêtante, envoûtante, amorale, à l’image d’un pays qui n’en a pas fini de digérer son passé.

 

A Yellow Animal
A film by Felipe Bragança
With Higor Campagnaro, Catarina Wallenstein, Isabél Zuaa, Tainá Medina, Matamba Joaquim, LucÍlia Raimundo, Diogo Dória…

A Yellow Animal by Felipe Bragança – teaser from Shellac films on Vimeo.

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