Tenzo, de Katsuya Tomita, 27 novembre
A travers la découverte des 6 saveurs zen (le sucré, l’aigre, le salé, l’amer, le piquant et le subtil), le destin de deux moines japonais sert de parallèle à une méditation sur le sens de la vie. Le premier est un héritier, il est fils et petit-fils de moine, mais longtemps, il s’est rebellé contre le pesant legs traditionnel, voulant faire sa propre route avant de comprendre que le chemin du zen répondait aussi à ses aspirations profondes. Marié, père d’un petit garçon qui souffre de sévères allergies qui l’envoient régulièrement à l’hôpital, il anime des ateliers de cuisine auprès des habitants de son quartier. Toujours en quête de perfection, il fait le voyage jusqu’à la montagne Taiba où se trouve le monastère de Tiantong, près de Ningbo en Chine.
L’autre semble son exact opposé, il n’est pas l’heureux successeur d’une dynastie de lettrés mais un pauvre moine qui a tout perdu à cause du tsunami. Contraint de travailler comme ouvrier en bâtiment pour survivre, il garde le sourire même s’il peine à trouver des mécènes qui accepteraient de financer la reconstruction de son temple. En attendant, il va à la rencontre d’autres sinistrés, se saoule parfois, écoute du rap pour se motiver…
Drôle d’objet filmique que ce Tenzo, on croit tout d’abord à un double portrait qui mettrait en lumière la résilience du peuple japonais face au tsunami et le rôle joué par les moines dans cette leçon de survivance… Tenzo dure peu, à peine une heure, mais se savoure doucement. Tel un mets qui délivrerait ses plus subtiles saveurs en fin d’assiette, le moyen métrage de Katsuya Tomita surprend. Rien n’est ce qu’il semble de prime abord. La vie, en apparence parfaite, de Chiken n’est pas exempte de tensions et l’on s’étonne de le voir réveiller son bambin qui vient à peine de s’endormir à l’hôpital ou de répondre sèchement à son épouse au début d’une célébration. De la même manière, Ryûgyô, plus solitaire et taiseux, dégage pourtant une force tranquille. Et l’on croit à ce personnage fictif qui s’inspire d’un moine décédé au moment du tournage du film.
Pour révéler ces vérités intérieures, le réalisateur a multiplié les dispositifs visuels et narratifs inventifs. Chiken s’exprime en plan fixe face caméra comme s’il participait à une interview : figé dans son décor et costume traditionnel, il incarne celui qui sait, le sage, qui délivre un enseignement, fort de son expérience et son cheminement spirituel. Mais quelques instants plus tard, le voilà en posture d’élève, un peu perdu, en demande de réponses face à une moniale qui le rassure sur ses choix personnels et donne au spectateur -sans jamais regarder la caméra, elle- une petite leçon d’histoire du bouddhisme. Split screen, mosaïque d’images, vignetage, le film n’est jamais avare d’effets, toujours utilisés à bon escient.
En résulte une sensation d’interdépendance entre ces deux vies on ne peut plus dissemblables comme si derrière l’artifice du collage se cachait une évidence à la fois d’ordre naturel et métaphysique. Les scènes d’intimité domestique paraissent peut-être artificielles à l’image du cours en accéléré de gastronomie spirituelle mais les évidences professées à la fois par la nonne et Chiken acquièrent une force de persuasion insoupçonnée par la grâce du montage habile. On sort du film avec des envies de mieux faire, d’aimer à la fois avec plus de compassion et de légèreté… et de savourer chaque instant, même ceux passés en cuisine ou sous la pluie, comme une occasion de s’approcher du divin et de la plénitude.
Date de sortie : 27 novembre 2019 (1h 03min)
De Katsuya Tomita
Avec Chiken Kawaguchi, Shinko Kondo, Ryugyo Kurashima…
Genre : Documentaire
Nationalité : japonais
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