Under the skin, le 25 juin
Film glaçant qui pêche par des longueurs et un regard social misanthrope, Under the Skin finit par agacer malgré l’esthétique soignée et la performance de Scarlett Johansson.
Très librement adapté d’une nouvelle de Michel Faber, le nouveau film de l’ex-réalisateur de clips Jonathan Glazer, qui n’avait plus rien tourné depuis Birth (avec Nicole Kidman en 2004), propose au spectateur de voir le monde à travers les yeux d’une créature extraterrestre.
Dans le rôle de l’alien, on retrouve Scarlett Johansson, à contre-emploi dans un film à petit budget, ciblant très clairement des cinéphiles avertis. Elle est affublée d’une perruque noire, d’une veste en fausse fourrure et d’un jean trop serré, adoptant le look des femmes ouvrières de la ville écossaise où elle a atterri.
Prémisses narratifs souvent exploités au cinéma -qu’on songe à E.T. par exemple- Under the Skin se démarque pourtant profondément en se débarrassant totalement de l’imagerie traditionnelle SF avec toute la technologie futuriste qui lui est associée. Point d’univers à proprement parler dans le film, mais des ambiances dérangeantes car proches de la réalité, ce qui plonge le spectateur dans un sentiment d’inquiétante étrangeté.
Le film s’ouvre sur une séquence magnifique, qui rappelle les films de Kubrick, avec un orbe, vague éclipse, qui se mue peu à peu en iris. Le traitement elliptique de la narration ne permet pas de déterminer avec exactitude la provenance ou l’aspect initial de l’alien. Les intérieurs où le monstre évolue sont volontairement atemporels et surtout sans aspérité, plats, d’un blanc immaculé ou profondément noirs. Le réalisateur a pris soin de gommer tout élément donnant des dimensions à l’espace de dégustation de notre alien. Car la créature interprétée par la star des Avengers est une dangereuse prédatrice.
Le film, dans sa première partie, n’est qu’une succession de rencontres le long des départementales empruntées par la créature à bord de son mini-van. Les rares dialogues mettent en lumière la cible privilégiée de la chasseresse : des hommes esseulés, célibataires (le dragueur de boîte), sans famille, loin de leur pays (le nageur tchèque), marginalisés par leur apparence (le passant au visage déformé)…
Froide et insensible, la belle se fait mielleuse et séductrice pour se transformer en appât. Le protocole de la tueuse en série est limpide : le réalisateur aligne des séquences -quasi identiques donc au final ennuyeuses- qui reprennent les différentes phases du piège. Les victimes sont entraînées dans une maison lugubre où les délimitations spatio-temporelles disparaissent à l’écran pour être remplacé par un noir visqueux sans fond dans lequel s’enfoncent des hommes subjugués.
Dans l’espace clos et oppressant de la maison, le réalisateur déploie d’autres magnifiques trouvailles visuelles, comme ce corps qui se vide littéralement de sa substance -semble-t-il aspirée- pour devenir une enveloppe molle et fripée. Des images surréalistes à la Dali qui rappellent aussi les ambiances lynchéennes (notamment photographiques); Francis Bacon est aussi une influence revendiquée du réalisateur.
Malgré la virtuosité visuelle et narrative, le film agace. Assez rapidement l’étonnement laisse place à l’ennui. Les séquences de séduction sont conçues comme un dispositif de teasing : Scarlett enlève le pantalon, puis le T-Shirt puis… Mais, c’est moins le fait d’avoir transformé son actrice en sex-symbol désincarné qui irrite que la manière dont le réalisateur filme les corps et les êtres humains. De cette mécanique bien huilée, de cette réalisation sans failles transparaît un profond mépris pour l’humanité, ce qui explique peut-être pourquoi le film fut copieusement hué lors de sa projection à la dernière Mostra de Venise.
Voir le monde à travers le regard d’une extra-terrestre. Soit, mais de quel monde parle-t-on ? Filmant en caméra cachée les foules de badauds s’affairant dans les centres commerciaux, les rues marchandes ou aux abords des discothèques, le réalisateur saisit peut-être une forme de solitude mais il s’attache surtout à enregistrer les attitudes et mimiques d’humains pitoyables, complètement décérébrés, tout entiers voués à consommer pour combler le vide qui les habite.
Les corps des séducteurs piégés mais aussi de leur femme fatale sont filmés sans la moindre empathie, avec un regard clinique et sous un éclairage blafard qui siéraient bien dans une morgue.
Ajoutez à cela, trois abominables notes de musique atrocement répétées au violon qui font passer n’importe quel crincrin du RER D pour de la musique de chambre délicieuse et remettent au goût du jour l’usage du verbe « mickey-mouser » (dans les années 1930, cela renvoyait au recours excessif des mêmes mélodies pour signaler un événement dramatique ou comique et accompagner l’action à l’écran)…
Bref, ce n’est pas la pirouette finale qui rachètera le film…
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Date de sortie : 25 juin 2014 (1h47min)
Réalisé par Jonathan Glazer
Avec Scarlett Johansson, Jeremy McWilliams, Lynsey Taylor Mackay…
Genre : Science fiction, Thriller
Nationalité : Britannique
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