Charlotte a 17 ans, Sophie Lorain, 12 juin
Charlotte a 17 ans. Son amour de toujours vient de lui annoncer qu’il était gay. Charlotte pense ne jamais s’en remettre, jusqu’au jour où elle franchit la porte de Toy Depot, un magasin de jouets à Montréal. Les garçons employés aux divers rayons sont tous beaux, cools, drôles et gentils. Bientôt, Charlotte oublie son chagrin dans les bras de l’un, puis couche avec un autre, puis un troisième et encore un de plus… jusqu’à ce qu’elle réalise, avec effroi, lors d’une fête donnée pour Halloween, qu’elle a eu des relations sexuelles avec tous les employés du store à l’exception de celui qui l’intéressait vraiment…
Avec sa bande de copines, l’anarchiste Mégane et la romantique Aube, elle se rebelle contre le double–standard réservé aux femmes. Charlotte a agit sans arrière-pensée, sans aucune stratégie, elle ne se considère pas « mauvaise. » Coucher avec plein de partenaires pour un homme est source de fierté, mais une femme qui fait pareil est vite cataloguée. Surmontant jalousies (de ses collègues femmes, amoureuses des hommes qui ont succombé à ses charmes) et embarras personnel, elle s’inspire de Lysistrata d’Aristophane et organise une grève du sexe assortie d’une levée de fonds auprès des clients du magasin. S’ensuit une série de disputes rigolotes – au sujet de la cause à défendre, le cancer féminin n’est pas assez vendeur, les grands singes, pas assez féministe- et de quiproquos avec celles qui ont finalement bien du mal à tenir jusqu’au bout leur engagement, être abstinente et ne plus se raser les aisselles en réponse aux diktats de la mode.
Tourné en noir et blanc, à l’automne et en hiver à Montréal, ce film rafraîchissant, qualifié par le New York Times de réponse à Frances Ha, Charlotte a 17 ans (dont le titre original Charlotte a du fun s’est exporté aux USA sous le plus explicite Charlotte slut in a good way) s’amuse à parodier les slogans (tels « reprenez le pouvoir dans le pacte affectif « ) ou les concepts (le « mec pansement », rebound guy en anglais) des magazines féminins qui vendent des revendications de pacotille.
Toujours pudique -on parle beaucoup de sexe mais ce qu’on verra des ébats restera suggéré ou en hors–champs– Charlotte a 17 ans aborde aussi les questions de responsabilité familiale avec le seul personnage véritablement adulte du film, la responsable d’équipe, enceinte jusqu’au cou, future fille mère… Le fun oui, mais toujours protégé, sans jamais perdre de vue les conséquences sur les plans matériels et professionnels.
Les dialogues, drôles et jamais moralistes (« En plus du sexe, j’essaie d’arrêter le café après le speed et le lactose, c’est le lactose qui a été le plus dur ») mettent en avant l’importance du qu’en dira-t-on dans une société qui, si elle se veut plus libre qu’autrefois, vend en permanence des modèles de comportements adossés à des obligations de consommer (des produits de beauté, des vêtements, des cours de sport…) Le marketing de la levée de fonds est hilarant avec la chef d’équipe qui révèle à Charlotte les combines pour s’attirer les bonnes grâces de client-e-s : coller des petits cœurs sur les tirelires, indiquer une date butoir au challenge…
Acteurs et actrices sont admirablement dirigés, on sent une véritable complicité entre eux. Le choix du noir et blanc s’avère une excellente idée pour resserrer l’attention du spectateur sur chacun des protagonistes et non sur le magasin en lui-même, probablement très flashy et laid comme le Super Store de la série nord-américaine du même nom. Le lieu de tournage est formidablement exploité : le marivaudage de Charlotte et sa bande de potes le long des allées de l’immense entrepôt à jouets est très souvent filmé en courts plans séquence sur caméra fixe, au plus proche des mouvements et déplacements des jeunes, qui courent en baskets ou filent en skate. Les inserts de concerts de Maria Callas forment un fil conducteur qui amène Charlotte doucement mais sûrement vers une vérité pleine de bon sens qu’on a tendance à oublier en vieillissant : au final, peu importe ce que tu fais, prend juste plaisir à le faire.
Date de sortie : 12 juin 2019 (1h 29min)
De Sophie Lorain
Avec Marguerite Bouchard, Romane Denis, Rose Adam…
Genre : Comédie dramatique
Nationalité : canadien
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