90’s, Jonah Hill, 24 avril
Le premier long-métrage de Jonah Hill en tant que réalisateur chronique les tentatives d’émancipation d’un gamin de 13 ans qui tente d’échapper à la violence domestique en rejoignant un groupe de skateurs. Attachant mais inégal. 90’s (ou mid90’s pour le titre original plus évocateur) possède le charme et les défauts des premiers films. Jonah Hill ne s’en ait pas caché, les déboires amicaux et familiaux du jeune Stevie sont en partie autobiographiques et le film, malgré ses faiblesses scénaristiques, dégage à chaque instant un sentiment de sincérité total. Là, où l’on n’attendait peut-être pas Jonah Hill, c’est dans la réalisation de scènes époustouflantes qui témoignent de choix de réalisation inattendus mais pour le moins réussis. On songe notamment au ballet aérien des skates qui évoluent sur une bande-son éthérée au milieu des sans-domiciles fixes installés près de la cour de justice de Los Angeles, à peine dérangés par les vendeurs de crack, jusqu’à ce les flics ne débarquent et fassent déguerpir tout le monde en moins de deux secondes. Ou au moment de l’accident de voiture, véritable choc dramatique en pleine poire pour le spectateur, pourtant sans la moindre once de violence visuelle… mais alors quelle violence au montage (m’oblige à ajouter Mister Geek !)
Un autre atout du film est qu’il ne verse jamais dans la nostalgie gratuite et s’il retranscrit bien l’esprit et la culture populaire d’une époque, ce n’est pas là sa seule raison d’être. Le film, maladroitement et peut-être pas toujours de manière consciente de la part du réalisateur, s’intéresse aux relations de pouvoir dans un groupe -qui existent toujours quoi qu’on en dise. Un groupe, à priori uni par des intérêts commun -la glisse et le fun- et réuni par des problématiques familiales en apparence divergentes mais similaires.
Stevie est élevé par une mère célibataire qui lui raconte tous ses coups d’un soir. Il est aussi régulièrement battu par son grand-frère (peut-être son demi-frère en réalité), une manière de lui reprocher d’avoir capté le peu d’attention que leur mère était capable de manifester à des enfants. Fuckshit (Olan Prenatt, skateur pro) issu d’une famille non divorcée et plus aisée, bénéficie d’argent mais d’aucun dialogue et de véritable affection : ses parents s’en débarrassent chez le psychiatre qui l’assomme à coup de médicaments. Reuben, le petit mexicain, s’élève seul et vit presque dehors. Fourth Grade (peut-être l’alter ego du réalisateur), sous ses allures d’abruti, est bien plus intelligent qu’il n’en a l’air. Il a beau filmer toutes les échappées belles de ses potes, sa caméra est son unique richesse et sa famille peine à lui procurer des vêtements neufs. Quant à Ray (interprété par le skateur pro Na-Kel Smith, excellent acteur ici), la mort accidentelle de son petit frère, renversé par une voiture, l’oblige à jouer au grand frère au lieu de se concentrer sur sa carrière de skateur international.
Récit initiatique doux-amer bercé par une bande-son surprenante (Morrissey susurrant “We’ll let you know” au milieu de titres plus évidents de Nas ou The Pixies), 90’s s’intéresse moins aux risques pris à l’adolescence (à peine évoqués ici) ou aux marges sordides de cette contre-culture. Pas de voyeurisme-exhibitionnisme à la Larry Clark (même si la costumière Heidi Bivens a bossé avec Harmony Korine, et a fait de la figuration dans Kids de Larry Clark!), juste un récit simple qui sonne juste sur le désir d’exister tout en conservant son individualisme au sein d’un groupe. Sans spoiler le film, on dira juste que l’unité de départ volera en éclat quand les excès des uns mettront en péril tout le groupe. Malgré le happy-end façon fish-eye et VHS vintage, 90’s, ode à la liberté, est bien une histoire de loyauté empêchée, qui montre qu’à un moment donné, prendre un chemin individuel a plus de sens que subir un ratage en commun.
Date de sortie : 24 avril 2019 (1h 25min)
De Jonah Hill
Avec Sunny Suljic, Na-kel Smith, Olan Prenatt, Gio Galicia, Lucas Hedges, Katherine Waterston…
Genres : Comédie, Drame
Nationalité : américain
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