Deux fils, Félix Moati, 13 février 2019.

Qu’ils sont beaux ces trois hommes en crise dans le premier long métrage derrière la caméra de Félix Moati, fils de… Moati dirigeait déjà Vincent Lacoste dans Après Suzanne, court qui narrait la rupture sentimentale de Joaquim, bel étudiant pansé par les siens… Dans Deux fils, on retrouve le personnage de Joaquim, toujours largué depuis sa séparation avec Suzanne, interne en psychiatrie. Mais le thésard nonchalant, qui rêve de devenir le plus grand psychanalyste au monde sans jamais rien publier, a d’autres problèmes à régler. Son père dépressif (Benoît Poelvoorde, sobre et juste) a abandonné, en cachette, depuis deux ans, son cabinet de médecin, afin d’assouvir sa passion de l’écriture, même s’il écrit comme un pied. Quant à son petit frère de 13 ans (Vincent Castella), il boit du whisky coca, tabasse les camarades qui s’approcheraient d’un peu trop près de la fille dont il est amoureux et se livre à des rituels ésotérico-catholiques pour exaucer ses vœux.

On boude et on râle beaucoup dans Deux fils. On se noie aussi parfois dans un flot de paroles incontrôlées qu’on regrette… mais pas toujours. On s’engueule, on se réconcilie. La vie, quoi. Tourné en décors naturels à Paris, notamment à la cité scolaire Paul Valéry au bord du boulevard des maréchaux, le premier long de Félix Moati ne manque pas de punch. Perdus dans un appartement rendu trop grand par l’absence de mère (ou de grands-parents, morts quand le père avait 11 ans, ou d’oncle, dont le décès introduit le film), les trois hommes tentent de retrouver un peu de chaleur humaine au contact d’inconnus, dans une église, une cafétéria de fac, une librairie, une boîte de nuit… Extrêmement lucides sur eux mêmes, leurs fêlures et manques, ces trois anti-héros masculins fuient des fantômes du passé en coupant toute attache, en éprouvant tout lien qu’on tenterait de tisser pour les empêcher de tomber dans le vide.

Récit grave sur la transmission (« au fond, tout ce que l’on fait, c’est pour les pères qui ne nous verront plus » sanglote Poelvoorde), au ton léger, servi par d’époustouflants acteurs et des répliques profondes et drôles à la fois (« quand on a trouvé le désir, on ne cherche plus Dieu » assène le petit Ivan au curé), Deux fils se déroule dans un milieu intellectuel plutôt aisé (Ivan compose des poèmes érotiques en latin) mais évite, par son refus de se laisser enfermer dans un genre ou des portraits balisés, les écueils du film bourgeois rive gauche…

La carte du tendre dessinée par les deux jeunes hommes se déploie d’ailleurs dans les quartiers somme toute encore populaires du 11e et du 19e, offrant à plusieurs écrins de Nature urbains (les Buttes Chaumont et le Parc de Belleville) des rôles clefs dans leur cheminement intérieur, le tout baigné d’une bande-son jazzy opportune. Un film assez « couillon », à l’image du vocabulaire utilisé par Joaquim et Ivan, mais qui se révèle au final délicat et rare et dont l’émotion nous étreint à la gorge.

 

Date de sortie : 13 février 2019 (1h 30min)
De Félix Moati
Avec Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde, Mathieu Capella, Anaïs Demoustier…
Genres : Drame, Comédie
Nationalité : français

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