The Bookshop, Isabel Coixet, 19 décembre
A propos de son dernier film, The Bookshop, l’adaptation d’un roman de Penelope Fitzgerald publié en 1978, Isabel Coixet dit « Les feux de la résistance ont besoin d’oxygène pour survivre. » La réalisatrice catalane avait précédemment signé en 2011 un beau documentaire, Escuchando al juez Garzón, passé inaperçu en France, à propos des déboires judiciaires du juge anti-terrorisme et anti-corruption Balthazar Garzón. Isabel Coixet aime les personnages réels ou fictifs qui se retrouvent seuls, acculés par la masse ou/et abandonnés par leurs amis et proches. Dans The Bookshop, il s’agit d’une apprentie libraire, en réalité une jolie veuve de guerre, qui dans l’Angleterre des années 1950, souhaite prendre un nouveau départ (et tourner en quelque sorte la page sur son deuil) en partageant son amour de la lecture (qui lui a permis de reprendre goût à la vie) avec les habitants de son petit village côtier.
Ce n’est pas tant la vente de Lolita de Nabokov (qui émoustille plus qu’elle ne choque les villageois) que son refus de se plier aux exigences de Violet Gamart, la châtelaine locale, qui va la transformer aux yeux de tous en paria. Et pourtant, désireuse de bien faire, Florence Green ne résiste pas contre vents et marées. Elle essaie de s’attirer la bienveillance des habitantes de Hardborough en offrant des emplois à leurs maris et filles, elle accepte de se rendre à une soirée des époux Gamart… Classique dans sa forme et son fond, The Bookshop est en fait la sobre reconstitution historique d’une époque qu’on aimerait bien révolue mais qui semble hélas toujours d’actualité. Si la descente aux enfers de Florence est savamment orchestrée, ménageant certains moments de répit qui laissent entrapercevoir une issue de secours pour la courageuse et honnête libraire, le film refuse la carte de l’heureux dénouement pour plus de réalité sociale.
Dans une contrée balayée par les vents et les marées, les longues promenades en bord de plage ne suffisent plus à Florence pour respirer. Contrastant avec ces magnifiques paysages entre ciel et mer, les scènes d’intérieur, à l’exception de celles qui réunissent Florence et sa jeune aide (Honor Kneafsey) dans la librairie, sont toutes oppressantes… Même la littérature ne permet plus d’oublier la mesquinerie et la bigoterie ambiantes, toutes alimentées par les ragots de la grande dame patronnesse.
Si Coixet reste évasive sur les liens nauséabonds qui ont pu exister (et peut-être existent encore) entre la noblesse et les différentes chambres du Parlement, elle excelle dans la suggestion des sentiments larvés, ou étouffés par la sacro-sainte réserve britannique. Bill Nighy est ainsi excellent en vieux garçon énamouré et James Lance parfait en courtisan mielleux de jeunes et moins jeunes femmes.
Déclaration d’amour aux livres (notamment le Fahrenheit de Ray Bradbury), The Bookshop (récompensé par 3 Goyas en Espagne -l’équivalent de nos Césars) est une peinture de mœurs au classicisme assumé rehaussée de la présence d’excellents acteurs. On notera aussi dans la bande-son la discrète Ala.ni qui interprète de belles mélodies jazz.
The Bookshop FILM ANNONCE VOSTFR from Septième Factory on Vimeo.
Date de sortie : 19 décembre 2018 (1h 52min)
De Isabel Coixet
Avec Emily Mortimer, Bill Nighy, Patricia Clarkson…
Genre Drame
Nationalités espagnol, britannique, allemand
1 réponse
[…] les figures de marginaux qui peuplaient déjà ces précédents longs-métrages de fiction. Dans The Bookshop (récompensé par 3 Goyas en Espagne -l’équivalent de nos Césars), Florence Green, jolie veuve […]