In my room, Ulrich Köhler, 9 janvier

On sait pas trop où voulait nous emmener le réalisateur allemand Ulrich Köhler qui signe avec In my room, son quatrième film. Projeté à Cannes dans la sélection Un certain regard, In my Room commençait très fort avec l’une des ouvertures les plus drôles et métaphoriques jamais vue au cinéma. Soit un cameraman -Armin, le protagoniste principal incarné par Hans Löw- incapable de régler sa focale, de trouver un angle de vue correct… Nous sommes dans une salle de presse et le spectateur visionne en fait la preuve matérielle d’un foirage total. Les images des hommes et femme politiques qui devaient être interviewés sont hachées, tremblotantes, le son s’arrête quand on devrait entendre les réponses aux questions. Qu’importe, Armin n’a aucune excuse valable, il n’essaie même pas de s’expliquer et il quitte la salle de réunion en empruntant de l’argent à sa chef, dont on comprend mal les dispositions bienveillantes à l’égard de son subordonné. Bref, Armin n’a rien du héros et les minutes qui suivent vont parfaire et achever son portrait de loser, un loser pas pathétique, mais bien au contraire sublime.

Car Armin n’est pas un loser malgré lui, sa vidéo ratée tient davantage de la gaffe quasi consciente -une manière de dire merde à la chaîne et aux collègues qu’il exècre. Et, s’il se fait planter près du lit, au moment de conclure, par l’étudiante qu’il a draguée en boîte, ce n’est pas à cause de son physique, son absence de réparties ou sa bêtise, c’est juste qu’il refuse de partager sa brosse à dent avec la nana qu’il s’apprête à sauter. Détail qui semble anodin mais qui a toute son importance car il est le premier d’une foule de petits détails -marque stylistique du réalisateur de nicher la vérité dans l’insignifiant– qui vont symboliser, un peu trop lourdement à mon goût, l’incapacité d’Armin à s’attacher aux gens, à l’exception de sa grand-mère qui est malheureusement mourante. Armin est désenchanté, il ne croit plus en rien, il ne souhaite se lier à aucun groupe. Le retour en famille, à l’occasion de l’agonie de l’aïeule (dont aucun détail macabre et sinistre ne nous est épargné), creuse un peu plus sa solitude puisqu’il n’arrive plus à communiquer avec ce père de nouveau amoureux et cette mère froide et distante. L’originalité du film est donc de forcer sa renaissance humaine, physique et morale par un retournement de situation fantastique : au petit matin, tous les êtres humains à part le cadavre de sa grand-mère et lui-même ont mystérieusement disparu. C’est d’abord à travers un apprivoisement des animaux (qui eux sont toujours là) qu’Armin va accepter d’aimer et de se responsabiliser. Les scènes immédiates au cataclysme sont à la fois étranges et réalistes. L’enfer, c’était les autres, et la planète vidée de ses habitants, devient un magnifique terrain de jeu pour Armin qui fonce au volant de sa nouvelle voiture, un bolide, jusqu’à manquer de heurter deux chevaux coincés dans un amas de ferraille.

Cette vision du Robinson Crusoé des temps modernes est à la fois efficace, très naturaliste et incroyablement poétique. Las, pour achever cette métamorphose, le réalisateur a choisi de doter cet Adam d’une Eve miraculée, la farouche Kirsi. Pourquoi pas ? Mais au lieu de nous montrer ce qu’aurait pu donner la rencontre de ces deux êtres libres de toute entrave dans une Terre débarrassée des diktats de la consommation, le réalisateur retranspose et reproduit les errements existentiels initiaux. L’ironie est de voir Armin, enfin heureux et épanoui, vouloir à tout prix fonder une famille et Kirsi, devenue nomade à la suite de l’Incident mondial (dont la cause ne sera jamais révélée) et d’une déception sentimentale, prendre la route et ne jamais s’engager.

Sous-jacent à la  peinture naturaliste très sombre initiale, on trouvait un message politique assez critique envers la société consumériste. Mais, le réalisateur semble avoir les fesses coincées entre deux chaises. D’un côté il célèbre la transformation d’Armin devenue possible par un retour à la Nature, de l’autre, il prend parti pour son héroïne pourtant elle-même pétrie de contradictions, à l’image de l’étudiante de la première partie de film, assumant sa sexualité libérée mais exigeant en même temps, dès le premier rendez-vous, un  pseudo gage « d’affection véritable. » La scène de danse, sur le parking, parfaitement dispensable, fait d’ailleurs écho à la scène de rencontre en boîte. Et le tout s’étire dans la longueur, perdant le spectateur au final. Une intéressante idée originale, servie par une superbe photographie, mais hélas non aboutie.

Date de sortie : 9 janvier 2019 (2h 00min)
De Ulrich Köhler
Avec Hans Löw, Elena Radonicich, Michael Wittenborn…
Genres : Drame, Science fiction
Nationalité : allemand

BANDE-ANNONCE IN MY ROOM from Nour Films on Vimeo.

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