Pig, Mani Haghighi, 5 décembre 2018


Comédie noire, pamphlet politique sous acide, trip onirique macabre, le dernier film du réalisateur iranien Mani Haghighi fait preuve d’une inventivité visuelle et scénaristique qui laisse parfois pantois… Mais où diable veut-on emmener le spectateur ? dans les tréfonds d’un inconscient tourmenté ? au milieu d’une rave organisée par l’élite friquée de Téhéran ? dans les ténèbres d’une geôle infâme qui débouche sur un désert fantasmagorique ? Pour mettre en scène cette traque au tueur en série dans le milieu du cinéma iranien, Mani Haghighi s’est doté d’un double fictionnel, Hasan Kasmai, au bout du rouleau.

Cinéaste politique engagé, Hasan n’a plus le droit de tourner depuis 3 ans et se contente, pour vivre, de réaliser des spots publicitaires, et pour exister comme artiste sur la scène internationale, de participer à des expositions photos pseudo-dérangeantes, qui l’ennuient profondément. Son actrice fétiche, la belle Shiva (Leila Hatami, Une Séparation), est sur le point de le lâcher pour aller jouer dans le film de son rival le plus méprisable, un hipster prétentieux qui tourne en costumes « d’époque » des allégories au lyrisme enflammé.

Harcelé par une mystérieuse aspirante actrice qui s’immisce sur son lieu de travail et son cours de tennis, Hasan tente de comprendre pourquoi il n’a pas encore été victime du serial killer qui a déjà décimé Ebrahim Hatamikia, Hamid Nematollah et Rakshan Bani Etemad, trois réalisateurs aux orientations politiques et styles cinématographiques différents. Se pourrait-il qu’il soit devenu complètement insignifiant ?

Au milieu des décapitations gore, Hasan Ma’juni campe un cinéaste vieillissant, mais au look d’éternel adolescent, bougon et râleur, toujours prêt à ruer dans les brancards vêtu d’un T-Shirt AC/DC. La bande-son résolument rock ne se contente pas de surligner les moments de pétage de plomb du personnage, elle accompagne chacune des situations absurdes qui caractérisent le quotidien délirant de Hasan. Le contrôle exercé par l’état qui censure sa liberté d’expression est certes brocardé à travers le film mais Mani Haghighi dénonce avec autant de force les rumeurs alimentées par les réseaux sociaux.

Le réalisateur s’amuse à multiplier les fausses pistes quant à l’identité du tueur -serait-ce l’actrice vieillissante en mal de rôles, ou la jeune starlette énamourée d’Hasan prête à éliminer la concurrence de son maître à penser, ou l’énigmatique inspecteur de la police secrète (Ali Bagheri, excellent) … ou Hasan lui même, devenu complètement fou ?

L’identité réelle du meurtrier importe finalement peu dans ce film aux allures de capharnaüm géant, où la quête narcissique et picaresque d’un héros solitaire épaulé de sidekicks réjouissants (la mère azérie maniaque de la gâchette, le médecin interdit d’exercice), révèle à la fois la facticité de notre sentiment de liberté contemporain et les trésors de sagesse d’une tradition persane tombée dans l’oubli mais encore incarnée par les textes, images et visions d’Attar et Saadi.

Date de sortie : 5 décembre 2018 (1h 48min) De Mani Haghighi

Avec Hasan Ma’juni, Leila Hatami, Leili Rashidi…

Genre : Comédie

Nationalité : iranien

Mention spéciale du jury – Festival européen du Film Fantastique de Strasbourg 2018

Amphore d’Or – Festival du Film International du film Grolandais 2018

PIG Bande-annonce from Epicentre Films on Vimeo.

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