Tazzeka, Jean-Philippe Gaud, 10 octobre
Avec Les films des deux rives, Tazzeka, en salles le 10 octobre, ne pouvait pas trouver plus emblématique comme distributeur. Sur les traces d’Elias (Madi Belem), apprenti chef fougueux et talentueux, ce premier long-métrage de Jean-Philippe Gaud est le récit d’une trajectoire humaine et professionnelle du Maroc rural aux quartiers nord parisiens. Aussi appétissant et généreux que les nombreuses recettes mises en scène, Tazzeka emporte l’adhésion du spectateur tant la sincérité et l’enthousiasme de ce premier long-métrage font rapidement oublier ces quelques petites imperfections (au niveau des dialogues et de la direction d’acteurs).
Elias mène une vie tranquille mais bien remplie à Tazzeka, petit village marocain. Élevé par sa grand-mère avec son grand-frère, qui mourra en voulant traverser clandestinement le détroit de Gibraltar, le jeune homme est l’employé à tout faire (cuistot, serveur, livreur, vendeur) de Yossef (Abbes Zahmani, parfait dans ce rôle) surnommé le Parisien, qui tient le seul restau-épicerie de la région. A travers une longue séquence d’ouverture introductive sous forme de flash-back, Jean-Philippe Gaud prend le temps d’installer son personnage principal dans ce récit initiatique qui fait la part belle aux filiations heureuses, qu’elles soient héritées ou choisies. Il y a d’abord Malika, la grand-mère protectrice, qui lui enseigne le bonheur de cuisiner dès son plus jeune âge. Puis Youssef, père de substitution soupe au lait mais profondément psychologue, qui comprend que l’avenir d’Elias n’est pas de rester près d’eux.
Feel good movie sur l’immigration -si, si, c’est possible- Tazzeka est aussi constellé de « bonnes fées » providentielles qui veillent sur la destinée d’Elias même si, dans ce film très masculin -les femmes sont réduites au rôle d’amoureuse ou de mère éventuelles- il s’agit davantage de « magiciens. » Il y a d’abord Julien (interprété par Olivier Sitruk qu’on retrouve toujours avec autant de plaisir à l’écran), la star incontestée des fourneaux médiatiques qui débarque un jour dans ce restaurant perdu au milieu de nulle part. Pour l’impressionner, Elias sort de sa réserve et réalise des mets plus élaborés que ceux qu’il prépare habituellement pour ses autres clients. Débarqué à Paris pour suivre son amoureuse d’un été et surtout se lancer à l’assaut des restaurants étoilés, Elias déchante rapidement et aurait pu sombrer dans le désespoir s’il n’avait pas fait la rencontre de Souleymane (incarné par l’excellent Adama Diop, qu’on a pu apprécier au théâtre de l’Odéon dans une mise en scène de Macbeth par Stéphane Braunschweig).
Clairement dichotomique, il y a la jeunesse plutôt insouciante (malgré la perte et le deuil) au Maroc, puis les désillusions de l’âge adulte à Paris, Tazzeka ne se contente pas de jeter un pont entre deux cultures. En célébrant l’amitié entre les peuples, la culture du talent pour le plaisir personnel et non le profit immédiat, le film se veut porteur d’espoir pour tous les candidats à l’immigration en rappelant que la France est historiquement un creuset et une terre d’accueil. Les difficultés rencontrées par Elias sont peut-être un peu rapidement éludées mais Tazzeka, merveilleux livre d’images (Jean-Philippe Gaud qui a débuté comme monteur réussit à embellir une rencontre amoureuse autour du périphérique!), obéit à sa propre logique de conte.
Le seul reproche qu’on pourrait lui trouver est l’absence d’enjeu réellement dramatique autour de Salma, la parisienne des HLM rencontrée au bled. Les dialogues entre Elias et sa voisine forte en gueule sonnent faux, mais, peut-être involontairement, si le film Tazzeka rate sa romance entre deux rives, au moins réussit-il sa bromance, tant l’alchimie entre les deux meilleurs amis Souleymane et Elias est forte à l’écran.
BANDE-ANNONCE TAZZEKA from TAKKA FILMS on Vimeo.
Date de sortie : 10 octobre 2018 (1h 35min)
De Jean-Philippe Gaud
Avec Madi Belem, Ouidad Elma, Olivier Sitruk…
Genre : Comédie dramatique
Nationalités : français, marocain
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