Ága, Milko Lazarov, 21 novembre
Conçu tel un hommage à Nanouk l’Esquimau de Robert Flaherty, Ága, le dernier film du réalisateur bulgare Milko Lazarov, met en scène le quotidien de deux lakoutes vieillissant qui tentent de vivre selon leurs coutumes ancestrales. Sous ses dehors de documentaire ethnologique, Ága est bien un récit fictionnel avec des enjeux dramatiques : l’inéluctable passage du temps qui mène inexorablement vers la mort, et la réconciliation – tout au moins symbolique- avec les enfants ayant tourné le dos aux traditions familiales.
Film à la photographie et à l’esthétique très travaillées (les scènes d’intérieur ont été filmées pour rappeler les toiles de Vermeer), Ága aurait pu être un long-métrage en noir et blanc tant les contrastes créés par la lumière polaire et le blanc de la banquise aplatissent les couleurs. L’immensité des étendues désertiques et la grande ouverture de cadre rapetissent les personnages, et traduisent à l’image, la solitude et la mélancolie du vieux couple isolé.
Le réalisateur a jugé bon de surligner en musique la détresse de Sedna et Nanook (par la 5ème Symphonie de Malher). C’est dommage car les visages des deux acteurs principaux (Mikhail Aprosimov, plus de 60 rôles au théâtre et Feodosia Ivanova, non professionnelle, elle) étaient suffisamment expressifs.
En guise de cadeau de pardon, la mère décide de fabriquer un bonnet en fourrure de lapin pour sa fille, Ága, partie vivre à la ville, avec on ne sait qui… Peu de dialogues, juste quelques échanges autour de cette béance ouverte dans les cœurs des parents qui s’estiment abandonnés, incompris… Une béance métaphorique qui s’incarnera dans une ultime séquence avec le trou à ciel ouvert que représente la mine de diamants.
Autour d’un récit intimiste qui se nourrit de deux contes et rencontres animalières rêvées (avec le renne et l’ours), le réalisateur a accouché d’un film profondément contemporain. L’intemporalité du mythe et de la tradition orale se heurtent à la modernité des équipements -un camion pelleteuse et un avion- qui labourent littéralement la terre et le ciel, peu soucieux d’interrompre avec fracas un dialogue millénaire et fructueux entre l’homme et la Nature.
Date de sortie 21 novembre 2018 (1h 37min)
De Milko Lazarov
Avec Mikhail Aprosimov, Feodosia Ivanova, Galina Tikhonova plus
Genre Drame
Nationalités bulgare, allemand, français
Grand prix au festival du film romantique de Cabourg en 2018.
Meilleur Film au Festival de Sarajevo en 2018.
Commentaires récents