Parvana, Nora Twomey, 27 juin
Auréolé de ses trois prix (public, jury, meilleure musique originale) remportés cette année au festival du film d’animation d’Annecy, Parvana sort en salles demain. Adaptation du livre de Deborah Ellis, Parvana met en scène les tribulations d’une petite fille qui grandit sous le régime des Talibans. Elle a le tort d’être l’enfant d’un intellectuel, un ancien professeur reconverti en écrivain public. Son frère aîné a trouvé la mort et bientôt, le malheur s’abat de nouveau sur son foyer. Victime de la haine aveugle et obscurantiste d’un ancien élève devenu fou de Dieu, le père de Parvana est emprisonné : la famille doit alors trouver un moyen de survivre mais comment gagner de l’argent et ramener de la nourriture à la maison lorsqu’il est interdit, pour les femmes, de sortir seules, sans être accompagnées d’un homme ?
A la suite d’une rencontre fortuite avec Shauzia, une ancienne camarade de classe qui a déjà franchi le pas, Parvana décide de se travestir en garçon pour exercer divers menus métiers dans les rues de Kaboul. La coréalisatrice de Brendan et le secret de Kells reste fidèle à l’esthétique et l’onirisme qui sont la marque de fabrique du studio Cartoon Saloon. Si le sort tragique des peuples afghans -et plus particulièrement des femmes, privées des libertés les plus élémentaires comme se déplacer, s’instruire, travailler- est plusieurs fois rendu manifeste à travers des épisodes glaçants tels la scène où la mère de Parvana se fait battre dans la rue, le film choisi de réenchanter le quotidien de la petite fille en puisant des héros des temps immémoriaux dans le répertoire d’histoires folkloriques que lui racontait son père. Ils viennent en aide à Parvana, mais aussi à son petit frère Zaki ou à Shauzia, lors de jolies séquences d’animation en papier mâché.
Le drame de Parvana n’est pas uniquement d’être née femme dans une société qui les condamne, c’est aussi de grandir dans un pays contrôlé par des hordes d’incultes qui, assoiffés de pouvoir, rêvent d’effacer le passé pour créer un présent sordide et monstrueux à leur image. Or, les Afghans ont de quoi être fiers de leurs traditions ancestrales. L’Afghanistan c’est presque l’Extrême Orient, et le pays, situé aux carrefours de cultures et de peuples, est riche d’une histoire où le foisonnement des croyances garantit une forme de sagesse personnelle indestructible.
Mais pour résister, encore faut-il pouvoir transmettre aux autres un peu d’espoir. C’est en se faisant passeuse de mots, en devenant à son tour écrivain public, à l’écoute des histoires, des lettres inachevées (d’un fils à sa mère par exemple), que Parvana trouve la force de ne pas sombrer dans l’oubli et l’anéantissement de soi, et surtout qu’elle offre aux compagnons d’infortune qui se livrent à elle, le pouvoir de redire « je » et d’exister à nouveau.
Date de sortie : 27 juin 2018 (1h 33min)
De Nora Twomey
Avec Golshifteh Farahani, Saara Chaudry, Soma Bhatia…
Genres : Animation, Famille
Nationalités : canadien, irlandais, luxembourgeois
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