Cornelius, le meunier hurlant, Yann Le Quellec, 2 mai
Saint Cornelius hurlez pour nous ! Malgré des allures de tragi-comédie post-moderne au message insistant, « Cornelius, le meunier hurlant » de Yann Le Quellec apparaît bien comme le premier vrai western à la française de l’histoire. Anthony Mann, le cinéaste hollywoodien des héros névrosés pris dans de grands espaces n’est pas loin.
Que penser, que dire, qu’écrire de ce « Cornelius » qui nous arrive là, en ce printemps 2018, cinquante ans, tout juste, après ce que nous savons ? S’agit-il d’une sorte de conte à la Marcel Aymé revu par un Jean-Pierre Jeunet en mal d’inspiration ? Oui, au premier abord, il y a un peu de ça… Car le moulin de Maître Cornelius rappelle la plate-forme de Krank de « La Cité des enfants perdus », et quelques villageois d’en bas « du bout du monde » pourraient bien habiter le Montmartre mastérisé du « Fabuleux destin d’Amélie Poulain. » Seulement le hic, c’est que le film de Yann Le Quellec, n’apparait en rien tel un de ces contes de fées post-modernes, que la production courante et chatoyante nous abreuve désormais (Par exemple, un Spielberg sur deux, ou un Del Toro après l’autre).
Mais alors ? N’aurions-nous pas à faire à bien plus simple : un problème de transfert cinématographique, comme il en existe tant. Cornélius (le meunier hurlant), est, en effet, adapté d’un roman sublime de l’écrivain finlandais Arto Paasilinna, « Le Meunier hurlant ». Une œuvre picaresque, libertaire, cocasse, aux multiples changements de tons et, pour écrire cinéma, aux prises d’angle vagabondes. Nous sommes prévenus depuis au moins 1903, et la première mise sur écran par Méliès, des Trois Mousquetaires de Dumas que l’exercice est périlleux et que, cette fois, Le Quellec, qui, dit-on, adore le bouquin de Paasilinna, a voulu trop en mettre pour 1 h 47 de film. Tout cela est bien tentant, mais et donc trop facile. Car après tout, qu’est-ce ce tragi-comique ovni de « Cornelius, le meunier hurlant » ?
Au risque de passer pour un de ces doux-dingues du village, Cornelius, fantaisie clownesque mise à part, pourrait très bien passer pour un western d’Anthony Mann, l’un des grands cinéastes de la névrose (avec Hitchcock bien sûr). Le géant barbu Cornelius et son passeur le magnifique et très physique, au bord de l’animalité, acteur Bonaventure Gacon, va son chemin inexorablement, en dépit de tout et de tous, y compris de ceux qu’il aime et qui l’aiment ou qui pourraient l’aimer, pareil au Lin McAdam de Winchester 73 (1950), ou au Will Lockhart de L’homme de la plaine (1955) interprétés, l’un et l’autre, par le gracile et tenace James Stewart.
Comme le héros « manien » Cornelius arrive un jour, accomplit, coute que coute ce qu’il s’est donné à faire, puis repart, d’une manière ou d’une autre, ayant réussi sa mission. Nous ne vous révélons pas, bien sûr, comment le bon Cornélius termine sa Quête. Disons que cela aboutit à un transfert quasi psychanalytique et très cinématographique. Car Le Quellec, possède comme son illustrissime collègue hollywoodien (curieusement la carrière d’Anthony s’est arrêtée il y a 50 ans, avec Maldonne pour un espion le « don » de représenter les grands espaces, ici, ceux, à la fois de la Catalogne (Salses) du Larzac et de l’Isère qui valent bien ceux du Colorado ou Wyoming.
Ajoutons, que l’héroïne (Anaïs Demoustier, encore une fois rayonnante), elle aussi, comme chez Mann, se sent ballottée entre son amour pour l’intrus magnifique et son attachement à sa communauté, mais finit d’une certaine manière, par prendre parti. Et qu’enfin le « méchant » apparaît plus beau que le héros, mais affublé d’une moustache gominée et d’un habit noir de patron de saloon, ressemblant ainsi à tous les méchants ou presque du Far West mythifié.
Voilà peut-être pourquoi, en ce printemps 2018, assistons-nous, enfin, à l’éclosion providentielle d’un vrai western à la française, au bout de, durant des décennies et décennies, de tentatives aussi infructueuses que lamentables. C’est bien suffisant pour aller le voir « Cornelius le meunier hurlant », un film qui, après tout, sait très bien où il veut nous emmener. Et c’est vrai que le meunier, hurle à notre place, sur toute la misère du monde.
Date de sortie : 2 mai 2018 (1h 47min)
De Yann Le Quellec
Avec Bonaventure Gacon, Anaïs Demoustier, Gustave Kervern…
Genre : Comédie dramatique
Nationalité : français
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