Nobody’s Watching, Julia Solomonoff, 25 avril

Personne n’a vu Nico ! Avec « Nobody’s Watching », Julia Solomonoff chronique le séjour aussi sabbatique qu’initiatique d’un jeune acteur argentin à New York, la ville médium et idéale pour se perdre. Attachant.

Personne ne voit Nico. Si ce n’est ce bébé d’une amie qu’il garde et dont le regard le fixe intensément, ou bien cette caméra de surveillance d’une supérette, sans vigile derrière elle. Ou encore, alors qu’il est déjà trop tard, ce miroir d’un grand magasin de la 5e Avenue, lui renvoyant un visage lassé des déceptions. Personne, de février à Noël, ne regarde ce jeune comédien argentin (à succès là-bas, dans une série style «Plus belle la vie», mais en moins pire) en exil volontaire à New York. Un chagrin d’amour doublé d’une trahison

Chacun sait qu’il n’est de meilleur endroit au monde – bien mieux qu’un désert – que cette ville spectacle pour se rendre anonyme et pourtant s’illusionner. Si Paris n’est plus une fête, New York reste un tourbillon. Là, Nico, survivant de petits boulots et de petites combines qui ne font de mal à personne, s’engloutit tout en se mentant à lui-même comme aux autres, à la recherche d’un rôle, d’un film, ou du succès pour un latin lover, au point de se teindre en brun (l’hispanique, façon Antonio Banderas ou Gaël Garcia Bernal est alors tendance)… Après avoir visité la grosse pomme, on rêve tous d’y vivre pour un temps, même si nous savons parfaitement qu’elle s’affirme la plus rude des cités. Nico, lui, finit par le comprendre, après l’avoir supporté, puis enduré. Et le sentiment, mieux la sensation, nous parviennent que ces «autres» là ne méritent pas Nico.

Aussi, Julia Solomonoff, la réalisatrice (également scénariste, mais par ailleurs réalisatrice et productrice pour la télévision argentine) n’a plus le choix. Elle se doit d’opérer un marquage culotte de son personnage et de l’épatant Guillermo Pfening. Il semble, en effet, qu’il n’existe pas, tout au long des 101 minutes de son film, un seul plan sans Nico. Un écrivain de l’école du « nouveau roman » pourrait appeler cela Ébauche pour une chronique new-yorkaise ou « Projet pour un exil à New York », un crooneur pop devrait le chanter tel « Un argentin dans New York », mais la cinéaste a choisi de titrer son troisième long métrage (après «Hermanas» 2005, puis le remarquable «Le dernier été de la Boyita») «Nobody’s watching», « Personne ne regarde », bien sûr. Le jeune homme parcourt la ville médium, parfois à pied, rarement en taxi ou métro, mais le plus souvent à vélo (avec guidon de course, s’il vous plait) et dans Manhattan. On le suit sur le bitume verglacé parmi les congères grimpant une rampe de Central Park, puis on l’admire, sous la pluie, slalomant d’une avenue à l’autre, pour l’accompagner, enfin, rentrant dans l’un des nombreux « chez lui » provisoires, l’engin sur l’épaule tel un cyclo-cross-man. La caméra de Solomonoff toujours fidèle.

Après avoir « revu » son ex amant, entre deux avions, Nico repartira juste avant Noël (son dernier job, livreur de sapins de Noël), pour Buenos Aires, non sans avoir revu, une ultime fois, ses copines de Central Park, les « Chicas » (les « filles »), des nounous « hispaniques » comme lui, en quelque sorte.
Dans la « ville aux yeux fardés » comme le dit le poète Étienne Roda-Gil, et où les beaux quartiers pullulent de cabinets de psychanalystes, Nico, au bout de son passage new-yorkais obligé, retrouvera l’envie du Théâtre, perdra le goût du succès surfait et, quittera définitivement son ex amant/traitre/macho. Il redevient lui-même. Thank you la « Grosse pomme »

Date de sortie : 25 avril 2018 (1h 41min)
De Julia Solomonoff
Avec Guillermo Pfening, Elena Roger, Rafael Ferro…

 

 

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1 réponse

  1. Irène dit :

    Est-ce qu’il n’y a pas aussi dans ce film une réflexion sur la latinité, c’est quoi être hispanique aux États-Unis, et surtout à New York? c’est avant tout être originaire de Puerto-Rico, de Cuba, du Mexique ou du Salvador… et en gros, être typé physiquement, plutôt petit, très brun, aux traits parfois indiens… pas du tout le physique et l’allure européenne du héros-acteur principal, blond aux yeux clairs, grand et mince… en gros, personne n’a vu Nico peut-être parce qu’il y a dans sa présence à New York une forme d’imposture…

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