Computer Chess, en salles le 9 avril

Andrew Bujalski est considéré comme le chef de file du cinéma mumblecore. Un mot lancé aux journalistes qui peinaient à définir le style de ses films, devenu maintenant une étiquette qui lui colle à la peau. C’est quoi exactement le mumblecore ? A priori, des films à petit budget, bricolés, avec un rendu pas fini… Un qualificatif devenu péjoratif dans la bouche de bien des critiques… et tout le contraire de Computer Chess, film très intelligent, extrêmement bien construit, pas du tout le produit d’un bidouilleur désinvolte. Mais revenons donc au dernier film d’Andrew Bujalski…

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A Harvard, Chantal Akerman fut la directrice de thèse du réalisateur : cela se sent ! Computer Chess raconte la rencontre improbable d’un groupe de couples new age et de nerds -des informaticiens et chercheurs au Massachusetts Institute of Technology (MIT)- réunis dans le même hôtel pour deux congrès aux thématiques -on l’imagine- très différentes.

Bujalski met en scène l’opposition « croyances (entendez stupidités) – logique ». Les jeunes scientifiques s’affrontent lors d’un championnat qui réunit les meilleures équipes de joueurs d’échecs, jeu éminemment tactique qui demande beaucoup de réflexion. Les adeptes d’énergies positives se livrent à toutes sortes d’exercices de développement personnel sous la férule d’un leader charismatique inquiétant, plus gourou que réel thérapeute.

L’action se déroule quelque part à la fin des années 1970 et le début des années 1980 et le réalisateur retranscrit très bien l’ambiance de l’époque, tant d’un point de vue des décors (et du look vestimentaire des personnages !) que des techniques employées. Bujalski a tourné en noir et blanc (à l’exception d’une séquence couleurs hors de l’hôtel) avec un modèle de caméra (la Sony ATC 32-16) sortie en 1969. L’image du film renvoie donc aux vieilles VHS avec un gros grain, qui aurait assez mal vieilli mais elle se laisse regarder sans problème.

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Computer Chess va peut-être acquérir le statut de manifeste geek, moins pour sa thématique que pour la manière dont le réalisateur traite ses personnages de scientifiques obsédés par l’intelligence artificielle ou les formules mathématiques. Le « geek » est à la mode mais bien souvent il reste un anti-héros, juste bon à faire rire la galerie (à l’instar du physicien Sheldon Cooper ou de l’ingénieur Howard Wolowitz dans la série à succès The Big Bang Theory) Dans Computer Chess, on ne rit pas des geeks ou des nerds, on voit le monde à travers leurs yeux.

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C’est un monde incompréhensible, parfois angoissant qui s’offre à nous. Les scientifiques mis en scène par Andrew Bujalski ne comprennent pas les blagues dont ils sont souvent victimes, et vivent finalement dans une petite bulle protectrice pour éviter de se confronter à une société dont il ne maîtrise pas tous les codes. Socialement inapte, le geek made in Bujalski retourne ce handicap à son avantage et le spectateur, certainement étranger au monde de ce groupe d’informaticiens et de chercheurs en intelligence artificielle chevronnés, est pourtant amené à s’identifier à ces drôles de personnages. Car dans Computer Chess, l’intelligence -intellectuelle mais aussi pratique- est bien du côté des geeks. Si certains d’entre eux arborent des comportements quasi autistiques, ils sont finalement plus « normaux » que les couples profondément débiles qui, n’ayant aucune personnalité, se plient à toutes les techniques de développement personnel prôné par leur chef.

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Peut-être de manière un peu caricaturale, le réalisateur fait de ses scientifiques des champions de la liberté de pensée et d’action. « Comment on fait pour devenir toi ? » demande avec sarcasme un universitaire un peu don juan à un informaticien balourd… et celui-ci, après avoir compris qu’on se moque de lui, de répondre, avec un calme olympien, « je fais ce qui me passionne. » Pour donner vie à cette galerie de monomaniaques des sciences, Andrew Bujalski a fait appel à de véritables geeks. Gordon Kindlmann qui joue le rôle du professeur Schloesser est chercheur à l’université de Chicago, James Curry qui interprète un programmateur britannique est concepteur de jeux vidéos. Toujours avec un souci de réalisme, le réalisateur a essayé de rendre compte des sous-univers de la programmation avec des personnages qui reflètent différents types d’informaticiens et de chercheurs…

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Enfin, Computer Chess cultive son côté vintage avec des clins d’œils cinématographiques à 2001 l’odyssée de l’espace (le bébé dans le monolithe est remplacé par le bébé dans l’écran) et War Games. Les cinéphiles pourront donc s’amuser à repérer ou décoder les multiples références au cinéma des années 1980.

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Infos pratiques :

Date de sortie : 9 avril 2014 (1h32min)

Réalisé par : Andrew Bujalski

Avec : Patrick Riester, Wiley Wiggins, Myles Paige

Genre : Comédie

Nationalité : Américain

 

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