Candelaria, Jhonny Hendrix Hinestroza, 4 avril

Le film a beau s’appeler Candelaria, du nom de son héroïne septuagénaire, c’est son compagnon de fiction,  el negro Victor Hugo qui crève l’écran à chaque plan. Pour survivre, malgré les tourments physiques de l’âge, Candelaria et Victor Hugo sont obligés de travailler : elle, comme blanchisseuse de jour et chanteuse la nuit, lui, comme ouvrier exploité dès l’aurore, et vendeur non déclaré de cigares sur son temps libre. Nous sommes à Cuba, au cœur de ce que l’on a appelé la période spéciale, dans les années 1990, quand le pays sombrait dans la pauvreté, car il ne bénéficiait plus de l’aide de l’URSS et la prostitution devenait l’un des recours économiques de la jeunesse avec le développement du tourisme. Candelaria et Victor Hugo vivent ces heures sombres avec stoïcisme et pas mal d’humour.

Aucun misérabilisme dans ce film sincère à l’humanisme réjouissant. Le réalisateur colombien Jhonny Hendrix Hinestroza plante sa caméra dans l’univers déliquescent de ce couple de vieux compagnons mais la poésie et la délicatesse des sentiments filmés patinent de charme ces lieux du quotidien depuis longtemps décrépi. Pas facile, en ces temps où le jeunisme et la compétition sont érigés en valeurs morales, de filmer la vieillesse sans porter sur elle un regard voyeur ou incrédule. Car ce film primé à la Biennale de Venise nous parle bien d’amour : l’ardeur physique est peut-être moindre mais la passion est toujours présente, que ce soit dans les chamailleries à table, les crises de jalousie quand Candelaria chante au club entouré de musiciens aussi âgés qu’elle, ou l’attention presque maniaque portée aux poussins que la vieille dame traite comme s’il s’agissait de ses enfants…

Si le film met en évidence la difficulté d’être vieux, surtout dans un pays pauvre, le réalisateur colombien a choisi de traiter son sujet sous la forme d’un conte de fées. Candelaria, vêtue d’une simple robe de chambre ou d’une tenue de soirée à paillettes, est bien la princesse de Victor Hugo, prêt à tout pour défendre l’honneur et la vie de son amoureuse. Et des ennemis, le couple doit en affronter plein : les voisins et collègues, toujours aux aguets pour dénoncer la moindre incartade politique au comité de surveillance local, et surtout l’immigré européen qui, tel un sorcier aux supers-pouvoirs, règne en maître sur le recel et le marché des objets volés.

Car Candelaria risque de se faire inculper de vol… et l’objet du délit, véritable fétiche magique, est en fait un objet trouvé… au fond d’un bac de linge sale. Avec cet élément extérieur (symbole de réjouissances étrangères au peuple cubain), le réalisateur offre au couple la chance d’évoluer. Les petits vieux résignés, presque soumis, retrouvent une seconde jeunesse, laissant libre cours à leur imagination lors de jeux de séduction qui trahissent à la fois leur désarroi et leur volonté de se battre jusqu’au bout… La caméra qui s’invite dans ce film dans le film est bien une fenêtre ouverte sur une myriade de possibles, qui permettent au couple de rester à flot et d’atteindre son ultime destination, la joie au cœur.

Et en observant Victor Hugo, le poète, et Candelaria, la muse, on ne peut que songer à son propre couple dans vingt ou trente ans et envier ces deux-là… Ne serait-ce que pour avoir rendu la vieillesse belle et montrer que l’amour toujours est le sort le plus enviable sur terre, ce film mérite notre attention.

 

Candelaria (2018) – Bande-Annonce VOST – En salles le 4 avril 2018 from Sophie Dulac Distribution on Vimeo.

 

 

Date de sortie : 4 avril 2018 (1h 27min)
De Jhonny Hendrix Hinestroza
Avec Charles Alden Knight James, Veronica Lynn, Manuel Viveros…
Genre : Comédie dramatique
Nationalités : colombien, cubain, allemand, norvégien

 

 

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