Cas de conscience, Vahid Jalilvand, 21 février
« Regarde l’homme que j’aurais voulu être. » Avec « Cas de conscience », Vahid Jalilvand, s’interroge sur le destin quasi inexorable de l’Iran à travers la rencontre fortuite et dramatique d’un honorable médecin et d’une famille en situation de survie.
Un soir, à Téhéran, Iran, deux mondes se percutent sur un périphérique. La Citroën du dernier cri du médecin-légiste Nariman, acculé par un chauffard, tape la moto pourrie de l’ouvrier Moussa, circulant avec sa femme et ses deux enfants ! Amir, 8 ans, très légèrement blessé est tout heureux de monter dans la belle voiture avec la radio et la clim’, pendant que son père engueule sa maman et le toubib, tout en réparant, vite fait, son improbable bécane.
Et alors ? Et alors, peu après : la mort pour l’enfant. Le chagrin et la révolte pour Leyla, l’épouse et mère. Plus tard, la prison pour Moussa. Plus, un « cas de conscience » pour le Docteur Nariman, si consciencieux et si intègre dans son travail, si exigeant envers ses collègues et subordonnés. L’autopsie affirme que le botulisme (du poulet avarié et bon marché) a eu raison de la vie du gamin. Le médecin, lui, pense que, peut-être, un choc au niveau des cervicales, au moment de l’accident, difficilement décelable immédiatement, aurait pu provoquer l’Inexorable. Car Amir, 8 ans, fils de Moussa et de Leyla, ne pouvait (ne devait ?) aller plus loin, qu’au bout de ce soir-là, des années 2010 à Téhéran, Iran. Alors, virus de la pauvreté ou parechoc de berline étrangère, comment savoir ?
La raison et la sagesse, voire l’évidence et une petite lâcheté (son assurance automobile est périmée) font que Nariman, choisit d’abord la politique de l’autruche (et quelques billets pour l’infortuné Moussa). La colère et la honte transforment Moussa en assassin (il tue, peut-être par accident, lui aussi, le dealeur de la sale viande). Nariman, malgré l’opposition de son clan, obtient une seconde autopsie qu’il pratique lui-même. Mais Amir ne reviendra pas. Et Moussa ne retrouvera probablement pas la liberté.
Vahid Jalilvand, le réalisateur déclare très justement : « Les fautes commises par les individus sont des sous-produits de l’insécurité. » Et cite, l’écrivain helvète Rolf Dobelli (célèbre partout ailleurs qu’en France) : « Ceux qui avaient l’audace et du courage mourraient avant de pouvoir transmettre leurs gênes à la génération suivante. Ceux qui restaient, lâches et prudent, ont survécu. Nous sommes leurs descendants. » Vahid Jalilvand n’est ni un politique, ni un philosophe, mais un cinéaste qui interpelle notre monde et son pays. Rompu à la fois à la série T.V et aux documentaires (il en est l’auteur d’une trentaine), il nous emmène, caméra souvent à l’épaule, dans les couloirs de la morgue téhérannaise, dans les recoins de pierres et de tôles de sa banlieue rendue difforme par l’exode rural, ou bien dans les méandres nauséabondes d’une « tuerie » industrielle de volailles, ou encore dans un cimetière de terre, sables et poussière jaunâtres.
A travers le portrait de ce Nariman « l’homme qu’il aurait rêvé d’être » Jalilvand, également co-scénariste, co-monteur et co-producteur (re)transcrit la souffrance devant l’incapacité et les doutes d’un peuple. Mais pourquoi d’Abbas Kiarostami à Vahid Jalilvand en passant par Jafar Panahi, bien des films iraniens se déroulent essentiellement à l’intérieur d’une automobile ? Comme si ce pays demeurait en transit, en proie à un éternel road-movie vers…Là, on ne vous conte pas la fin. Car, on vous l’a dit, Jalilvand aime les séries T.V. Mais l’Iran a peut-être besoin et envie de connaître une vraie fin…
CAS DE CONSCIENCE, un film de Vahid Jalilvand – Bande annonce from Damned Distribution on Vimeo.
Date de sortie : 21 février 2018 (1h 44min)
De Vahid Jalilvand
Avec Navid Mohammadzadeh, Amir Aghaei, Zakieh Behbahani…
Genre : Drame
Nationalité : iranien
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