Cœurs purs, Roberto de Paolis, 3 janvier 2018
Chronique d’un amour au temps du choléra social.
Avec ses jeunes « Cœurs purs », le cinéaste italien Roberto de Paolis, descend, caméra à l’épaule, dans les ténèbres de la crise de son pays. Rome ville cachée.
Il est sacrément périlleux de filmer la lutte pour la survie depuis Charlie Chaplin (d’ailleurs n’est-il pas insensé ou illusoire de continuer de filmer après lui ?). C’est pourtant ce à quoi se coltine Roberto De Paolis avec ses « Cœurs purs ». Mieux même, ce jeune cinéaste transalpin ose jouer/tourner sur le terrain du génial vagabond réfractaire. Car tel le « p’tit gars », il part du point de vue de ses personnages ou héros, sans se soucier de ce que nous pourrions en dire ou débattre.
Ici, un fils et petit-fils de cette classe ouvrière italienne tombée en Enfer après avoir songé prendre le chemin du Paradis. Barres HLM, loyers impayés, petits boulots de gardiennages, deals en tous genres … Stefano inscrit tout son mal être sur le dos des Roms, du camp immonde d’à-côté, qui d’ailleurs lui jettent des pierres à l’occasion. Ici encore, une jouvencelle qui malgré son amour impossible pour le jeune sous-prolo, s’acharne à trouver du réconfort et du recours dans sa communauté catholique, où règnent sa mère abusive mais ultra aimante et un curé obèse – il reproche pourtant à ses jeunes ouailles de ne songer qu’à manger – dont la dialectique casse souvent les briques du bon sens de la libre pensée.
Agnese, elle, considère sa virginité, pour un choix existentiel. Bref nous naviguons là loin des rives de la caricature. Tout ça dans une Rome que nous ne pensons pas, qu’on ne nous montre jamais, et où, à chaque instant, au détour d’un terrain vague ordurier, on s’attend à découvrir le corps supplicié de Pier-Paolo Pasolini. Et que seul, jusque-là, le grand Nanni Moretti nous avait décrit dans Journal intime (1993).
Comme les meilleurs, De Paolis, n’opère pas de hiatus entre le fond et la forme. Ainsi qu’il l’a déclaré lors du dernier Festival de Cannes (« Cœurs purs » participa à la Quinzaine des réalisateurs) « pour accomplir un tel film nous devions sortir de nos bureaux afin de rencontrer des gens vrais, et des communautés (sous prolétariat et cathos militants) que nous ne connaissions qu’à travers le prisme des lieux communs ». Aussi la caméra de Claudio Francesco, son chef op’, calée sur l’épaule se met au service de Stéfanio, Agnèse, Marta, Angela, Lele, Don Luca et tutti quanti. Ceux-là ont le droit de se remuer, de changer d’axe, d’improviser, elle les suit. Ils sont des héros. C’est traité, vous vous en doutez, le plus souvent en plans rapprochés et gros plans…. Jusqu’à la goutte de sueur ou les poils de maigre barbiche qui en disent long, et même jusqu’à l’intimité du sexe d’après la « première fois ».
Quand la salle de projection, s’éclaire à nouveau, on vient à penser, que, mine de rien, ce film de vrai « cinéma-vérité », nous confie sans nous dire qu’un autre monde est possible, que peut-être, sait-on jamais, nous pourrions un jour de nouveau connaître le partage. « Cœurs purs », une chronique d’un amour au temps du choléra social.
Date de sortie : 3 janvier 2018 (1h 55min)
De Roberto De Paolis
Avec Selene Caramazza, Simone Liberati, Barbora Bobulova…
Genres : Drame, Romance
Nationalité : italien
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