Glow, 1ière saison, Netflix

Les cinéphiles en tous genres ont beaucoup glosé sur Netflix et sa production cinématographique. Laissons ce débat aux spécialistes économiques et marketing de l’industrie pour nous attarder sur l’excellente série Glow proposée par la chaîne cet été (et toujours à découvrir en téléchargement sur le portail netflix). Les trois mots clefs sont catch, empowerment (on vous explique ce qui se cache derrière ce nom barbare), et créativité. Inspiré de la genèse d’une véritable émission de catch féminin dans les années 1980, Glow réunit au centre d’un ring des femmes qui ont tout à perdre, et en même temps tout à gagner, à se lancer dans cette drôle d’aventure télévisuelle.

Produite par Jenji Kohan, déjà responsable du huit-clos carcéral féministe Orange is the new black, Glow possède un atout majeur, son capital sympathie. Dotée d’une bande-son à faire pâlir celle de la franchise des Gardiens de la Galaxie, cette série netflix est aussi punchy que ses interprètes principaux. Mais ce qui suscite l’adhésion au fil des épisodes, parfois inégaux, c’est son positionnement sur les questions féministes. Rassembler des nanas aux profils dissemblables -Ruth l’actrice adepte de la méthode Actors Studio, Debbie star déchue des soap-operas ou la colosse Carmen Wade, héritière d’une famille de catcheurs qui lui interdisent l’accès au ring- promet pas mal de rebondissements et de moments comiques.

Mais là où Glow joue l’originalité, c’est dans sa manière de faire interagir ses héroïnes avec les personnages masculins. Grâce au catch et à l’humour de ces drôles de dames, le producteur Sebastian Howard, issu d’une famille de la haute-bourgeoisie, s’émancipe du contrôle financier et psychologique de sa maman. Quant à Sam Sylvia, le réalisateur alcoolique désabusé, il s’adoucit au fil des épisodes. Touché par la grâce et l’énergie de ses actrices, il surmonte ses tendances auto-destructrices pour mener à bien un projet auquel il ne croyait pas du tout. Ce personnage est inspiré de Matt Cimber, créateur original de l’émission et ex-mari de Jayne Mansfield, qui à l’instar de son alter-égo à l’écran était surtout connu pour ses films de série Z ou de blaxpoitation. Les saillies de Sam Sylvia qui tente farouchement d’imposer au producteur ses intrigues de science-fiction dystopique sont aussi un bel hommage à la créativité -et duplicité– des nerds qui biaisent pour imposer leur vision marginale aux studios.

Dépassant l’antagonisme suranné hommes-femmes, hélas encore fer de lance de groupes féministes d’arrière-garde, Glow est une fictionnalisation des mécanismes d’empowerment qui traversent -heureusement- les classes sociales et les genres. Longtemps, le discours féministe n’était que la dénonciation du patriarcat, se focalisant sur les batailles menées, et à mener, par les femmes pour obtenir des droits similaires (vote, éducation, rémunération etc…). Si l’on doit remercier ces pionnières  qui ont brisé les chaînes créées par les pères, les maris et les dirigeants, les difficultés toujours rencontrées par les femmes issues des milieux populaires prouvent que l’on ne peut penser la lutte féministe aujourd’hui sans prendre en compte les différences de statuts sociaux et raciaux au sein d’un même groupe de femmes.

En bref, l’expérience d’une Simone de Beauvoir ou de son homologue contemporaine de la rive gauche parisienne ne peut suffire à porter une revendication féministe. On pourrait croire que le principe d’intersectionnalité n’est pertinent que dans les pays dont l’histoire est entachée par la ségrégation raciale comme en témoignent les dissensions au sein des cortèges de femmes lors des marches contre Trump aux États-Unis. Glow est une fiction ancrée dans le quotidien de ses héroïnes, et loin de toute théorisation fumeuse et snob, elle montre que pour la plupart des femmes la lutte consiste d’abord à résoudre des problèmes plus prosaïques.

Le catch est libérateur pour Debbie, jeune accouchée, car il lui permet de reprendre le contrôle de son corps, en dépit de quelques fuites urinaires. Pour Ruth, actrice intello, c’est un pis-aller mais sans ce contrat, impossible de payer les factures qui s’accumulent. Les doubles que les actrices s’inventent ne sont pas que des stéréotypes. Étouffées par les conventions, leur éducation ou les rôles que la société ou l’industrie cinématographique leur a assignés, les catcheuses expriment toute leur richesse intérieure à travers leurs alter-ego sur le ring. Avec la russe Zoya the destroyer, Ruth trouve le moyen d’assumer son côté déloyal. Quant à Rhonda Richardson, actrice sans-abri, elle puise dans Britannica, la force de clamer qu’elle n’est pas qu’un corps bien fait. Et en même temps, toutes ces héroïnes sont fières de la sensualité qu’elles exsudent, à l’opposé de certaines théories féministes qui ont fait du corps une source de honte ou un handicap.

Les dix épisodes de la première saison ne sont pas suffisamment nombreux pour développer tous les personnages féminins mais la qualité des dialogues aux réparties souvent cinglantes laisse entrevoir des passés qu’on a hâte de mieux connaître dans la saison deux, d’ores et déjà commandée. Alors Glow, trop kitch et vulgaire, ou plus galvanisant et instructif qu’un livre de Geneviève Fraisse ? à vous de trancher !

Créée par Liz Flahive, Carly Mensch (2017) sur Netflix
Avec Alison Brie, Betty Gilpin, Sydelle Noel, Marc Maron…
Nationalité : Américaine
Statut : En cours
Format : 30 minutes

 

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