Estiu 93 (été 93), Carla Simon, 19 juillet

Qu’est ce qui créé la famille ? Les liens biologiques ou la parentalité, exercée au jour le jour, avec son lot de repas partagés, de bains donnés, de moments de joie, de fatigue parfois ? Si un enfant a besoin de limites, d’un cadre pour grandir, ces mêmes règles peuvent s’avérer étouffantes, voire oppressantes, si elles ne s’accompagnent pas d’un amour inconditionnel, gratuit, naturel. Carla Simon, pour son premier long-métrage, filme une famille en devenir, une famille qui n’en est pas vraiment une au sens biologique du terme, une famille qui se construit bon gré malgré, après le deuil.

Frida, orpheline, quitte Barcelone pour aller vivre à la campagne chez son oncle et sa tante. La petite citadine est confrontée à un monde qui lui était jusqu’alors inconnu. Elle apprend à s’occuper des poules, à nager dans la rivière, à faire ses lacets toute seule. Surprotégée par sa grand-mère qui lui enseignait également à prier chaque soir, Frida se retrouve au sein d’un jeune couple qui l’aident à se débarrasser de la culpabilité reçue en héritage. Dès les premières images, on comprend que Frida, petite fille aux allures de garçon manqué, n’a pas vécu une enfance insouciante. Si la nature de la maladie qui a emporté sa mère n’est révélée qu’en toute fin, la réalisatrice prend soin de disséminer quelques indices ça et là (la voisine qui s’étonne de la virulence d’une pneumonie, la mère qui éloigne son enfant de Frida qui s’est blessée).

A Barcelone, dans la demeure de ses parents tous deux décédés, Frida est objectivée, et de ce fait rendue passive et étrangère aux événements. On parle d’elle mais on ne lui laisse pas l’occasion de s’exprimer. Le déménagement est filmé à hauteur denfant et le spectateur est amené à ressentir l’extrême solitude de la petite fille qui contemple diverses personnes ranger à la hâte des cartons et entend des commentaires sur elle. Ses proches ne cherchent pas tant à la protéger de la souffrance engendrée par le deuil qu’à la contrôler, elle, la fille d’une mère incontrôlable morte d’une maladie honteuse.

Dans les paysages volcaniques de la Garrotxa, Frida va retrouver son autonomie. Les jeux échangés avec Anna, la fille de sa tante et de son oncle, qui l’accueille comme une vraie sœur, sont le miroir des relations amour-haine qu’elle entretenait avec sa mère, trop malade et faible pour s’occuper d’elle. La douleur de Frida, contenue, se retourne contre ceux qui l’aiment malgré elle, sa nouvelle mère, et surtout sa petite sœur, qu’elle considère comme une rivale. Avec une photographie très lumineuse et joyeuse, et en dépit de la gravité de son sujet, la réalisatrice filme l’épanouissement d’une cellule familiale qui se soude face aux difficultés. Prix du meilleur premier film au festival de Berlin en 2017, Estiu 93, largement autobiographique, est un film très doux, généreux comme ses merveilleux protagonistes. Il offre aussi l’occasion d’écouter la poésie mélodique d’une langue qu’on entend trop peu au cinéma, le catalan.

Date de sortie : 19 juillet 2017 (1h 34min)
De Carla Simon
Avec Laia Artigas, Paula Blanco, Bruna Cusí…
Genre : Drame
Nationalité : espagnol

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.