Andrzej Zulawski : un testament écrit en français, mai 2017, Filigranowa

Plongée dans les méandres de souvenirs d’un réalisateur au crépuscule de sa vie… Andrzej Zulawski se confie et lègue, en testament, ses pensées les plus intimes. Il est question de cinéma, d’exil, de guerres politiques, de déportation, d’héritages difficiles à assumer, des femmes qui ont marqué sa vie…

On pense immédiatement à Sophie Marceau qui fut sa compagne pendant de nombreuses années avant de le trahir mais le réalisateur de L’important c’est d’aimer préfère d’abord convoquer des non stars, ses extraordinaires grand-mères, de véritables héroïnes de romans… Avec des caractères et intérêts diamétralement opposés, elles sont ses premières muses ; leurs névroses respectives irradient dans l’âme d’artiste en construction du jeune Andrzej. C’est par un curieux chantage qu’il découvre le cinéma : « on va à la messe, pour pouvoir aller au cinéma. »

Les secrets de famille, les naissances bâtardes, les infidélités, les crises de foi ou les écœurements idéologiques entraînent, sur plusieurs générations, la famille d’Andrzej Zulawski, dans une fuite en avant. Par delà les soubresauts de l’Histoire, les histoires personnelles qui se donnent à voir à travers la prose saccadée du vieil homme, sont d’un romanesque échevelé. C’est émouvant quand on sent la souffrance derrière le cynisme lucide. Sur sa mère : « Quand elle me confia sa peur de mon père, ma mère me regarda du fond de son lit avec ce qu’il appelait ‘ses yeux de biche’, yeux de pauvresse qui demande la compassion. Je n’en eu pas. Ce regard était calculateur, vitreux, vide et faux. Un regard d’actrice dépourvue de talent. »

Si les histoires d’amour tragiques qui émaillent l’existence de Zulawski sont autant d’excuses pour transmettre sa vision du couple, de la famille et de la Beauté, le réalisateur livre aussi ses réflexions sur la nécessité du cinéma, un cinéma qui « ouvr[e] les yeux en grand ». Il dénonce la vacuité des « ismes », des chapelles théoriques. Il se souvient de ses premières déconvenues cinéphiles : « la pensée sorbonnaise (…) un amalgame indigeste de marxisme arbitraire et d’existentialisme sinistre » ou « la nouvelle vague [qui] était trop isme, et trop peu cinéma [tandis que] les films à un franc cinquante, vus sur les Grands Boulevards, roublards ou enfantins, ce qui revient au même, étaient cinéma. »

Son regard sans concession sur les actrices, leurs désirs contradictoires, leur ingratitude parfois, et son ton souvent cinglant font de ce testament littéraire une écriture sincère, loin des autojustifications et auto-congratulations, trop nombreuses dans ce type d’exercice. Rédigé dans la réclusion, dans une maison entourée d’arbres, le cinéaste, malgré la maladie et l’âge, n’avait rien perdu de la fièvre créatrice qui l’habitait. En témoignent ainsi peut-être les plus belles pages de ce testament, consacrées à la transe, nécessaire à l’acteur pour s’oublier et véritablement incarner, et à la transgression, qu’on croit à tort libératrice mais finalement « étouffante. » En dépit des erreurs et des regrets, ce testament est le dernier enfant d’un moraliste incompris qui se rêvait en accoucheur d’âmes

176 pages
14 x 20,5 cm
Prix Public TTC : 18,90 €
ISBN : 2-918001-09-0

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