Les lauriers roses rouges, Rubaiyat Hossain, 7 juin

Trois destins de femmes bengalies s’entrecroisent avec comme fil conducteur la pièce de Rabindranath TagoreLes Lauriers rouges roses. Trois femmes, trois âges et trois conditions sociales. Roya, actrice reconnue, est mariée à un homme d’affaires ambitieux. Elle mène une existence aisée mais solitaire dans un quartier en pleine mutation. Sa mère, Mita Rahman, est issue de la classe moyenne mais elle subit les affres de la vieillesse et de la crise économique. Abandonnée par son mari, elle est tentée d’embrasser le mode de vie des musulmanes traditionalistes qui viennent régulièrement faire du prosélytisme à son domicile. Quant à Moyna, la très jeune domestique de Roya, elle tombe sous le charme du concierge, pour le meilleur et surtout pour le pire, un travail d’ouvrière dans une usine de confection…

Rien de bien original dans les tranches de vie saisies par la talentueuse réalisatrice Rubaiyat Hossain. L’impossibilité d’exister, en dehors du mariage avec son premier amoureux, quand on est une fille mère défavorisée, l’ennui des femmes indiennes ou bengalies éduquées, mais dont l’indépendance financière dépend surtout du mari, ou la tentation extrémiste pour une femme bafouée et exploitée. Lorsque Roya est émue des œillades que lui lance son amoureux secret, on se doute bien qu’elle tombera enceinte et devra renoncer aux études qu’elle mène en parallèle. Et le spleen transparaît de chacun des gestes et regards de Roya, actrice qui approche de la trentaine et dont le talent n’est malheureusement plus suffisant face à la montée en puissance de jeunes premières inexpérimentées…

Par contre, ce qui est subtil et original, c’est d’avoir fait de l’héroïne principale, une sorte d’éponge ou de caisse de résonance des tourments qui assaillent les deux autres femmes. Du coup, même si Roya, de par son aisance matérielle, est étrangère aux situations de précarité vécues par sa mère et sa domestique, elle s’en nourrit pour exister en dehors de son rôle d’épouse surdiplômée et ultra-protégée. Étrange personnage que Roya. Si elle correspond bien à un type de femme (qui reflète également à une réalité sociale et politique), elle s’affranchit des attentes exprimées par les hommes qui veulent lui dicter sa conduite : le directeur de théâtre, garant d’une fidélité au texte d’origine, son mari qui supporte ses « lubies » d’actrice dans l’attente d’un bébé, ou son amant, l’expatrié, qui la presse de livrer une version moderne de la pièce de Tagore.

Bouillonnante d’une vie intérieure très riche, visuellement matérialisée par des séquences oniriques percutantes et pourtant épurées, Roya est une observatrice quasi silencieuse de son pays. Protégée derrière ses persiennes ou les vitres d’un taxi, l’actrice avance, presque somnambulique, dans la vie et la ville en perpétuelle construction. Mais, la langueur qui la gagne régulièrement est un préalable nécessaire à l’action. Au delà d’un beau portrait de femme qui lutte, en silence et avec discrétion, le film de Rubaiyat Hossain propose une vision toute en nuances de l’artiste. Si elle ne résout pas ses propres contradictions d’épouse, de future mère et d’aspirante metteuse en scène, Roya puise la force nécessaire à ses projets en ceux qui la jugent égoïste. D’où un dénuement en demi-teintes d’où se dégage une profonde mélancolie, à la fois pansement de l’âme et aiguillon lancinant. Un très beau film primé dans de nombreux festivals.

Date de sortie : 7 juin 2017 (1h 28min)
De Rubaiyat Hossain
Avec Shahana Goswami, Rikita Shimu, Mita Rahman…
Genre : Drame
Nationalité : bengali

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