Trainspotting 2, Danny Boyle, 1ier mars
Trainspotting 2 est-elle une suite de trop ? Danny Boyle réunit sa bande de paumés à Édimbourg pour un nouveau trip sous le sceau de la trahison. Vingt ans après l’adaptation cinématographique du roman culte d’Irvine Welsh, le réalisateur s’inspire d’un autre roman du même auteur, Porno, pour imaginer les retrouvailles des survivants. Évitant de réaliser un simple hommage au premier opus, Danny Boyle, fidèle à son esthétique clip sous acide (arrêts sur images, couleurs saturées, accélérations) parvient à accoucher d’un film émouvant, tendre, désillusionné… Un Trainspotting 2 qui surprend là où on ne l’attendait pas…
Il y a vingt ans, Mark « Rent Boy » Renton s’était fait la malle avec 16 000 £ comprenant la part de deux de ses complices, le peroxydé Simon « Sick Boy » Williamson et le caractériel Francis « Franco » Begbie. Installé à Amsterdam, marié, avec un emploi stable, il s’est refait une santé, remplaçant son addiction aux narcotiques par une dépendance au sport. Mais, à l’orée de la quarantaine, rien ne va plus. En pleine restructuration, sa boîte prévoit de nombreux licenciements. Quant à sa femme, elle demande le divorce et il se retrouve littéralement à la rue, l’appartement qu’il habitait étant la propriété de son épouse. Pour couronner le tout, il est victime d’une crise cardiaque, en pleine salle de gym.
Mark s’envole donc pour sa terre mère et l’atterrissage est loin de s’effectuer en douceur. La première partie du film est placée sous le signe des contrastes. Contraste entre l’apparente réussite de Mark et la loose pathétique de Simon, qui a remplacé l’héroïne par la cocaïne, mais n’en reste pas moins complètement accro. Pesanteur et mouvement s’opposent constamment. Simon a repris le vieux pub familial, aujourd’hui complètement déserté à l’exception d’un ou de deux vieillards habitués. Tandis que le lunaire Spud tente de mettre fin à ses jours, Mark jure qu’il n’est que de passage à Édimbourg. Passé et présent se font face comme deux chiens de faïence pour finalement se rencontrer et même se superposer. On aime ainsi les séquences « down memory lane » où les raccords, bien ficelés, avec des scènes extraites de Trainspotting 1 ou des images d’enfance, nous font voyager dans la mémoire des protagonistes sans user du bon-vieux flashback ringard.
La première partie, drôle et enlevée, réserve de francs moments de rigolade, notamment lorsque Mark tente de sauver Spud du suicide, lorsqu’il fait de nouveau équipe avec Simon pour escroquer une bande d’orangistes qui commémorent la défaite des catholiques lors de la bataille de la Boyne ou lorsqu’il est enlevé par le boss du nouveau milieu de la prostitution. La dernière heure confronte les anti-héros à leurs illusions perdues. Mark se rend compte qu’il ne parvient pas à fuir son passé tandis que Begbie et Simon font le dur apprentissage de la réalité : Francis « Franco » Begbie , échappé de taule, doit se résoudre à voir son fils prendre le chemin des études d’hôtellerie (et non des braquages son-father) tandis que Simon peine à garder près de lui sa petite amie slovène, plus intéressée par l’argent facile que par la romance.
Et sous couvert de comédie, Trainspotting 2 dresse le constat amer d’une nouvelle époque. Si Édimbourg a échappé du marasme économique en misant tout sur le tourisme et les aides de l’Union Européenne, la même vacuité d’autrefois guette la jeunesse qui s’évade dans les jeux vidéos ou les boîtes à thème. Rentrer dans le rang, comme Mark, ne suffit pas à rendre heureux ou combler un vide existentiel accentué par les nouvelles drogues (les réseaux sociaux ou le culte du corps). Film ultra-nihiliste, Trainspotting 2 impose, avec moult effets visuels (nombreux plan débullés) et narratifs (Spud devient en quelque sorte l’auteur de l’histoire), sa propre amoralité en guide de moralité, résumée magistralement dans le dernier beau (et étonnamment émouvant) face-à-face Franco-Mark, dans le sauna en construction. Les perdants de l’histoire, ce sont d’abord ceux qui restent fidèles à un certain code de l’honneur fondé sur l’amitié pour Simon ou sur la force des poings pour Begbie.
Mark, l’ex petit-malin de la classe, est de nouveau en bonne voie pour se sortir des salles draps où il s’est fourré. Mais, si le film est au fond si sombre et moins futile qu’il en a l’air, c’est parce qu’il laisse entendre que la capacité de Mark à rebondir sans cesse remonte justement à l’enfance, période où il était déjà revenu de tout… Ewan McGregor est parfait en traître cynique et lucide mais les performances des trois autres acteurs sont tout aussi réussies, mention spéciale à Jonny Lee Miller, ambigu à souhait.
Date de sortie : 1 mars 2017 (1h 57min)
De Danny Boyle
Avec Ewan McGregor, Ewen Bremner, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle, Anjela Nedyalkova, Kelly Macdonald, Shirley Henderson…
Genres Drame, Comédie
Nationalité Britannique
Commentaires récents