Gimme Danger, Jim Jarmusch, 1ier février

Entouré de ses crânes dans sa chambre, la chemise négligemment ouverte sur son torse épilé, ou pieds nus dans sa buanderie, l’une des dernières légendes vivantes du rock, Iggy Pop, accueille le spectateur en toute simplicité chez lui. Face à la caméra de son pote Jim Jarmusch, autre figure de l’underground nord-américain, il se livre sans ambages, et répond aux questions sur l’itinéraire mouvementé de son groupe, les Stooges, avec humour et désinvolture.Un documentaire essentiel pour les fans de l’Iguane, mais aussi pour toute personne qui s’intéresse à l’histoire du rock.

D’apparence classique – le documentaire mêle habilement images d’archives et interviews-, le film-hommage réalisé par Jarmusch se révèle plus complexe qu’il n’en a l’air. Certes, Jim plante un cadre chronologique pour évoquer les événements qui ont jalonné le façonnement de l’identité du groupe. Mais, l’intégration de séquences d’animation ou son habile montage qui fait alterner des plans où se déploit toute la charisma de rock star d’Iggy (avec la panoplie qui va avec) et des séquences plus intimistes avec un sujet amusé, voire étonné de l’intérêt qu’on lui porte, prennent à contrepied le dispositif hagiographique dans lequel le film aurait pu s’enferrer.

Le passage de la chambre (où Iggy se montre mystérieux et séducteur) à la buanderie (où il apparaît on ne peut plus relax et naturel en simple T-Shirt et vieux jean) résume à lui seul l’esprit moqueur du documentaire qui parvient à démystifier l’Iguane. Issu d’un milieu modeste, James Newell Osterberg a vécu une enfance heureuse auprès de parents aimants et généreux qui lui cédèrent leur chambre à coucher, la seule pièce suffisamment grande du trailer qu’ils habitaient pour accueillir sa batterie. Enfant du Midwest, avant de connaître le succès à New York, il s’est d’abord aguerri dans le groupe de son lycée. Une jeunesse sans histoires, à mille lieues de l’image sulfureuse qui lui colle aux écailles.

Photo by Ed Caraeff/Getty Images

Si Iggy évoque l’influence du compositeur et producteur John Cale (qu’il compare au personnage de Ronnie Z-Man Barzell dans le film de Russ Meyer La Vallée des Plaisirs), ses véritables inspirations proviennent des shows télévisés qu’il regardait enfant : Howdy Doody avec le clown Clarabell ou Lunch with Soupy Sales, enregistré à Détroit. Le nom de son plus célèbre groupe, Les Stooges, n’était-il pas un clin d’œil aux trois comiques de vaudeville les plus connus des USA dans la première partie du vingtième siècle ?

Iggy affirme : « comme les Stooges dans leurs films, on ne faisait rien de mal, mais on s’en prenait plein la tronche. » La carrière d’Iggy est donc placé sous le signe de l’amusement. Sa route croise celle de Nico, ou d’autres membres de la Factory mais Iggy refuse de se prendre au sérieux. Sa musique annonce le mouvement punk et révolutionne la scène. Pourtant, le chanteur ne renie pas l’héritage acidulé ou bluesy des années 60s. Il mentionne ainsi avec beaucoup d’affection The Shangri-Las et Paul Butterfield. A propos des chansons de Bob Dylan, il les trouve trop longues et se définit comme l’anti-thèse du chanteur intellectuel.

Les inserts d’extraits de Godzilla, de La Famille Adams ou de La Vallée des Plaisirs participent donc à cette mise à distance du mythe : Iggy et son complice Jim veulent nous convaincre que le destin incroyable des Stooges ne serait dû qu’à une succession de drôles de hasards et que leur motivation première était de s’amuser. On a envie de les croire les yeux fermés tant ce point de vue rafraichissant sur l’essence même du rock et la postérité s’inscrit en porte-à-faux avec la médiocrité prétentieuse des artistes qu’on veut nous vendre aujourd’hui.

John Lazar dans le film Beyond the Valley of the Dolls (La Vallée des Plaisirs)

Date de sortie : 1 février 2017 (1h 48min)
De Jim Jarmusch
Avec Iggy Pop, Ron Asheton, Scott Asheton…
Genre : Documentaire
Nationalité : Américain

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