Cleveland, Harvey Pekar & Joseph Remnant, éditions ça et là.

Harvey Pekar est disparu en 2010 mais son œuvre reste plus que jamais d’actualité. Chantre du banal, Harvey Pekar s’est fait le porte-parole d’une Amérique sans voix, celle de la classe moyenne pour qui le rêve américain a depuis longtemps tourné au vinaigre. Puisant l’inspiration dans son quotidien de petit fonctionnaire employé au service des archives de l’hôpital des Vétérans de Cleveland, Harvey Pekar est un scénariste de talent, capable d’ériger de petits riens autobiographiques en summums narratifs. Cette figure underground dont les comic books ont quand même bénéficié d’une adaptation cinématographique avec le film American Splendor sorti en 2003, fut aussi l’homme d’une ville : Cleveland, ancienne gloire des grands lacs, devenue ville poubelle qui cumule les pires statistiques en matière d’économie et de mal-être social. Si Harvey s’est souvent décrit comme un râleur de première, il a toujours manifesté un optimisme à toute épreuve face aux aléas de la vie, à la maladie (voir Our Cancer Year, écrit en collaboration avec son épouse Joyce Brabner) et surtout aux problèmes induits par de mauvais choix politiques. A travers son livre testament, simplement intitulé Cleveland, il livre une ode à cette ville maudite qu’il a adorée tout au long de son existence.

Cleveland mérite toute notre attention même sans être fan d’Harvey car, sa plume érudite, nous apprend plein de choses sur cette ville, et à travers son histoire, sur l’Histoire des États-Unis. De la création de la ville avec les premiers colons qui s’opposent aux tribus indiennes, en passant par la crise de 1929, les divers flux migratoires, le développement des infrastructures portuaires, les hauts faits de l’équipe de base-ball, la gentrification ou au contraire la paupérisation de certains quartiers et banlieues, les émeutes de la population afro-américaine,  Harvey Pekar ausculte les différents événements et phénomènes sociaux qui ont façonné l’identité de cette cité hors du commun.

Mais, ce livre n’est pas uniquement prétexte à un cours d’histoire lucide et désabusé. Sous ses airs bougons, Harvey Pekar possédait une immense générosité. S’il écrivait, c’était pour laisser des traces -pas uniquement de son quotidien- mais des réalisations d’hommes et de femmes dont il appréciait la valeur. Cleveland est donc une énième galerie de portraits made in Pekar : on y retrouve les personnages que les lecteurs de Pekar connaissent bien, le nerd Toby, Mr Boats, son ami violoniste noir qui déteste le RnB, mais aussi John Zubal, fondateur en 1963 d’une des plus grandes librairies d’occasion au monde, ou le DJ Bill Randle.

Un condensé donc de petites histoires et de grande Histoire, idéal pour mieux comprendre cette Amérique divisée et désespérée qui, après Obama, a voté Donald Trump.

Format : 18,5×25,5 cm, broché
128 pages N&B
Prix de vente : 17 euros
ISBN : 978-2-916207-75-9

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