Banana, Andrea Jublin, 30 novembre
Peu de films italiens sont distribués en France, ce qui est assez dommage, compte tenu de l’originalité de la production transalpine. Le 30 novembre, deux mois avant Jeeg Robot, thriller fantastique primé en 2016 à l’étrange festival, sortira Banana, un joli conte initiatique plein de délicatesse. Banana, c’est le surnom de Giovanni, un collégien qui préfèrerait que ses équipiers de foot l’appellent il Brasileiro. Cantonné gardien de but, il n’hésite pas à quitter sa cage pour prouver ses qualités de cœur, d’exubérance et d’audace au grand dam des deux équipes… car Banana porte bien son surnom, il tire comme une banane et son ballon atterrit immanquablement derrière le haut mur d’une propriété privée d’où il est relancé sur le terrain, crevé, par le ou les résident(s) mécontents.
Dans Banana, il n’est pas uniquement question d’adolescents. Les adultes, eux-aussi, luttent avec leur image, et aimeraient être perçus différemment par leurs proches. Emma, la grande sœur de Banana, est titulaire d’un doctorat en archéologie; son travail a autrefois été primé par de nombreuses bourses de recherche mais elle ne parvient pas à décrocher de poste et se voit contrainte d’accepter un emploi de guide touristique. La Professeure de lettres, Madame Colonna, ne sourit plus depuis des mois et exerce, non sans une pointe de sadisme, un humour pince sans rire sur ses élèves, ce qui déplaît fortement aux parents. Mais, derrière sa carapace, se cache une femme pleine de sensibilité comme le révèle par petites touches la caméra du réalisateur. La mère de Giovanni, prisonnière malgré elle d’un rôle étouffant de maîtresse de maison, tente de rallumer la flamme de son époux, trop stressé par des problèmes d’argent pour être à l’écoute. Quant à Gianni (alter-ego du réalisateur), le véritable amour d’Emma, fiancée à un autre, il se désespère de sa jeune troupe de théâtre, sympathique mais pas du tout concernée par Shakespeare. Tous ses personnages fonctionnent en binômes, en résonance avec d’autres humains, plus durs, moins rêveurs, au cynisme assumé comme le chef d’établissement, ancien amour de Mme Colonna.
Le parti-pris du réalisateur est de montrer que les comportements, à priori insensés ou contre-productifs de ses anti-héros, sont au final sources de profond bonheur. Le film s’ouvre sur la voix off de Banana, qui décrit les moyens de trouver la félicité, en dépit de l’adversité. Véritable credo moral, ces paroles, en apparence enfantines et innocentes, acquièrent une profondeur insoupçonnée au fil du film. La profession de foi de Banana laisse son empreinte sur des dispositifs cinématographiques et narratifs (le motif de la lettre trouvée, le comique de répétition qui accentue le fatalisme des échecs successifs, les allers-retours entre les extraits ou métaphores littéraires et les événements du récit principal, les séquences oniriques) qui mettent en valeur les conflits intérieurs d’un petit monde révélé à travers le regard empathique du garçon.
Le traitement des personnages féminins est également très subtil. Le réalisateur compose une galerie de caractères très différents qui ne cessent d’évoluer et de s’enrichir : de la glaciale Professeure Colonna à la jeune manipulatrice Jessica, en passant par la nostalgique maman, sans oublier la loufoque et attendrissante Emma, toutes les femmes de l’univers de Banana font preuve d’une force inespérée et réussissent à imposer leur vision du monde à des compagnons, interloqués et finalement désarmés.
Une comédie rafraîchissante, sensible, à la réalisation plus complexe qu’elle n’y paraît.
Date de sortie : 30 novembre 2016 (1h 30min)
De Andrea Jublin
Avec Marco Todisco, Beatrice Modica, Anna Bonaiuto…
Genre : Comédie
Nationalité : Italien
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