Retour sur un film – Miss Peregrine, Tim Burton, le 5 octobre.

Miss Peregrine et les enfants particuliers n’est-il qu’un film de studio convenu, l’adaptation sans grâce d’une franchise littéraire bankable ? On avait de quoi s’inquiéter après les deux incursions de Master Burton dans les mondes sans dessus-dessous imaginés par le grand Lewis Carroll. Avec l’adaptation d’un roman plus contemporain, Miss Peregrine’s Home for Peculiar Children du jeune auteur geek Ransom Riggs, Burton renoue avec les thématiques macabres et personnelles qui le définissent comme un auteur singulier de premier rang : la quête du père, le savant-fou, les mensonges ou l’imaginaire plus réel que la matérialité empirique.

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Certes, Miss Peregrine, cette directrice d’école mi Mary Poppins mi Morticia Addams, semble être le double gothique d’un Professeur Xavier ; elle éduque une tripotée d’enfants aux pouvoirs surhumains qu’elle défend aussi de toute attaque extérieure. Le manoir des peculiar children est ainsi davantage un refuge, dissimulé dans une boucle temporelle, qu’une école de formation. Il faudra attendre l’arrivée d’un intrus -le jeune Jacob- pour que les enfants ne soient obligés de quitter leur bulle protectrice et s’arment face aux dangereux hollows, des savants-fous transformés en monstres à cause de l’expérimentation ratée de leur chef Barron (Samuel L. Jackson, parfait) qui gardent leur apparence humaine en dévorant les yeux des êtres qui possèdent une particularité (les peculiar).

Après l’ouverture éprouvante que constitue l’assassinat de son grand-père Abraham par Barron, Jake, sur les conseils de sa psychiatre, se rend au pays de Galles sur les traces des héros mythiques dont son grand-père (superbe Terence Stamp) lui parlait, enfant. Accompagné par son paternel, un ornithologue terre-à-terre et sans ambition, Jake est bien décidé à élucider les circonstances mystérieuses dans lesquelles son père de substitution a trouvé la mort. Pour lui, son aïeul n’a pas été victime d’animaux sauvages. En faisant l’expérience que la fiction peut dépasser la réalité, Jake rejoint les nombreux anti-héros solitaires qui dans l’univers burtonien essaient de démêler le vrai du faux, qu’on songe à l’inspecteur new-yorkais Ichabod Crane dans Sleepy Hollow ou dans un registre plus normé William Bloom dans Big Fish. A l’écran, le père qui disparaît pour on ne sait où, le père mythomane, est un double du père du réalisateur qui s’était notamment confié à ce sujet à Mark Salisbury dans son magnifique livre d’entretiens (page 289-299, éditions points). Mais ce père critiqué est aussi un père adoré car il possède le pouvoir de raconter des histoires emplis de marginaux fantaisistes qui nourrissent l’imaginaire.

Plusieurs années après Edward aux mains d’argent, on imagine à quel point Tim Burton a pris plaisir à filmer cette galerie de freaks. Chez les jeunes, il y a l’incendiaire Olive (Lauren McCrostie), la petite Bronwyn (Pixie Davies), dotée d’une force surpuissante, l’invisible Millard (Cameron King), les jumeaux (Thomas and Joseph Odwell) dont le regard transforme en pierre et Emma (Ella Purnell), plus légère que l’air. Il y a aussi une petite fille qui se fait obéir des plantes, un garçonnet qui projette ses rêves prémonitoires et un jeune homme inquiétant qui donne vie à ses marionnettes. Dans une deuxième partie bucolique  – le cadre idéal pour que s’épanouisse la relation amoureuse entre Jacob et Emma -dont les yeux globuleux et le visage lunaire rappellent fortement ceux d’une ancienne égérie burtonienne, Christina Ricci, Tim Burton compose de magnifiques images poétiques et laisse libre cours à son lyrisme.

Certes, la menace représentée par les Hollows impose des rebondissements assez convenus qui culminent dans un face à face très hollywoodien avec en plus quelques incohérences scénaristiques (comment Emma a-t-elle récupéré ses chaussures de plomb après avoir glissé de la fenêtre du manoir ou pourquoi les twins n’ont-ils pas utilisé leur super pouvoir plus tôt ?) mais la séquence d’anthologie dans la  fête foraine rachète le tout. Et si certains regretteront le débordement de bons sentiments des scènes finales, on leur rétorquera qu’en dépit de l’appétit de Burton pour l’étrange et le macabre, il a toujours aimé les retrouvailles en famille ou entre amoureux !

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Date de sortie : 5 octobre 2016 (2h 07min)
De Tim Burton
Avec Eva Green, Asa Butterfield, Samuel L. Jackson…
Genres : Aventure, Famille, Fantastique
Nationalités : Américain

 

 

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