Sing Street, John Carney, 26 octobre 2016
Reparti avec quatre récompenses de la 27e édition du festival du film britannique de Dinard (les grand prix du jury, prix du public, meilleur scénario Allianz et un Hitchcock d’honneur), Sing Street est le nouveau film en musiques du réalisateur irlandais John Carney surtout connu pour Once, drame intimiste low-budget qui avait enchanté Sundance avant de conquérir le monde entier (et rapporter un petit pactole au passage). C’est encore une histoire de couple en chansons, mais cette fois-ci, John Carney filme des adolescents qui gravitent autour de Sing Street, une école catholique de garçons où le harcèlement et l’humiliation sont la règle… surtout s’il l’on est fan de David Bowie ou que l’on arbore la coupe de cheveux de Robert Smith, leader des Cure. En partie autobiographique (Carney était élève de Sing Street), le film regorge de hits des années 1980, ce qui ravira tous les nostalgiques de cette période et fera découvrir aux néophytes- à travers notamment les changements de styles vestimentaires (mods, punk, new wave…) des jeunes acteurs et de l’unique icône féminine interprétée par la talentueuse Lucy Boynton– l’incroyable créativité artistique de cette décennie.
La bande-son est l’atout n°1 du film. Certes, elle enchaîne les tubes (Rio de Duran Duran, A Town Called Malice de The Jam, Inbetween Days de The Cure, Maneater de Daryl Hall & John Oates) avec quelques entorses à la réalité historique (Pop Muzik de M date de 1979, Take on me de A-Ha de 1985 et le film Retour vers le futur était aussi sorti en 1985, soit 3 ans après les clips regardés par les héros devant l’émission Top of the Pops en 1982) mais surtout, elle accompagne le récit et décrit à merveille le moindre état d’âme de cette bande de jeunes. La tension dramatique est alimentée par les revers de fortune de Conor, un adolescent issu d’un milieu favorisé qui se voit contraint -en partie à cause de la crise économique et de la séparation imminente de ses parents- à rejoindre les rangs d’un lycée peu progressiste où sévit un abbé ultra-autoritaire. Sa seule bouffée d’oxygène, avant de rencontrer la mystérieuse Raphina qui vit dans un foyer d’orphelines en face de son établissement- est la musique, passion qu’il partage avec son grand-frère, Brendan (Jack Reynor), véritable mentor.
Le générique de fin comporte d’ailleurs une dédicace à tous les frères du monde, ce qui montre que cette relation compliquée est tout aussi importante que l’affection qui unit Conor -plein de fougue mais aussi de pragmatisme- à Raphina, fille paumée et instable. Comme souvent, dans les films de John Carney, le personnage principal – malgré ses faiblesses (ici, c’est uniquement son jeune âge qui le rend fragile)- s’attache, tout en traçant sa route d’artiste, à réparer des personnes peut-être plus matures que lui mais complètement cabossées par le destin. Malgré la dureté des thèmes (la désintégration de la cellule familiale, la drogue, la violence scolaire…) Sing Street est résolument ce que l’on a pris coutume d’appeler un feel-good movie. Servi par la prestation incroyable de Ferdia Walsh-Peelo qui chante tous les tubes repris ou écrits par son personnage, le film réussit à nous faire croire à l’histoire d’amour improbable entre Raphina, prête à tout pour rejoindre Londres, et le jeune Conor, encombré d’une bande de pieds nickelés, nerds avant l’heure. Mention spéciale à l’éminence grise du groupe, Eamon (Mark McKenna), improbable clone d’Elvis Costello.
Comme dans ses précédents films, le réalisateur a aussi composé des tubes originaux pour son film, en s’attachant notamment la collaboration d’Adam Levine qui avait déjà travaillé avec lui sur le film Begin Again (avec Keira Knightley et Mark Ruffalo). Le tube banal et ultra-sentimental Go now interprété par le leader de Maroon 5 est peut-être l’élément de trop, qui entraîne le film, dans une conclusion mélodramatique, certes ouverte sur l’avenir, mais qui tranche avec le côté gentiment farfelu et même par moments sarcastique de cette chronique suburbaine enlevée. Petit bémol donc pour une comédie qui se démarque par ses répliques percutantes sur l’essence même du rock (« Le rock c’est risquer d’être ridicule » ou « Aucune femme ne peut aimer un type qui écoute Phil Collins ») et son excellente distribution.
Date de sortie : 26 octobre 2016 (1h 46min)
De John Carney
Avec Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynor…
Genres : Comédie dramatique, Musical
Nationalités : Irlandais, Britannique, Américain
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