La tortue rouge, Michael Dudok de Wit, 29 juin
Variation japonisante du mythe de Robinson Crusoé, La Tortue Rouge, film d’animation belge réalisé en partenariat avec les studios Ghibli offre au spectateur une plongée dans des eaux magiques peuplées de créatures mi-humaines mi-animales. Soit le naufrage d’un homme seul, sur une île inhospitalière. La solitude lui pèse : il est assailli d’hallucinations visuelles et auditives, bercé par la musique de chambre d’un orchestre fantasmé. Son obsession sera de quitter cet îlot, en apparence désolé, sur un rafiot qu’il reconstruit inlassablement au gré des accidents maritimes.
Impuissance de l’homme face aux forces naturelles et météorologiques, notre infortuné matelot devra même affronter un tsunami au cours de ses aventures… Si le récit de Michael Dudok de Wit reprend les principaux motifs narratifs du célèbre mythe, il s’en démarque en laissant la possibilité au surnaturel d’infléchir le destin de cet homme balloté par les flots.
Le réalisateur a bénéficié de l’expertise des studios Ghibli, réputés pour leurs contes écologiques, de Princesse Mononoké (2000) à Pompoko (2006)… Mais, cet attachement à la Nature, ce respect pour les forces et esprits qui l’habitent imprègnent une grande partie de la production cinématographique japonaise, reflet des croyances et coutumes de la société nippone. Ainsi, même si son rendu visuel et sa forme narrative sont très distincts, La Tortue Rouge partage de nombreuses similitudes avec un film des Productions I.G., Lettre à Momo, qui se déroule aussi sur une île fantastique et met une personne solitaire aux prises avec des êtres magiques.
Le scenario a été coécrit avec Pascale Ferran, qui avait réalisé Bird People, une histoire entre ciel et terre, dans l’univers confiné, impersonnel et intemporel d’un hôtel d’aéroport, avec des personnages plombés par leur existence et qui rêveraient de s’envoler au loin tels des oiseaux. Ici, la prison insulaire se transforme en contrée écrin qui abrite assez vite une existence sereine et épanouissante. Soutenus par une très belle bande-son signée Laurent Perez Del Mar (Loulou, l’incroyable secret, Zarafa…), le réalisateur et les membres de l’équipe d’animation dont Jean-Christophe Lie (Zarafa, Les triplettes de Belleville…), parviennent, sans aucune parole, à transmettre les sentiments des personnages et à composer une chorale enchanteresse où chacun, du plus petit crabe, à l’imposante tortue du titre, fait pourtant entendre sa voix.
Le film, qui vise l’épure, tant du point de vue visuel que scénaristique, est cependant d’une richesse incroyable. Les décors ont été réalisés au fusain et la 3D est venue renforcer l’animation de certains éléments comme le rafiot et la tortue. Le formidable travail d’équipe sur La tortue rouge accouche donc d’un film à l’esthétique classique, naïve et originale à la fois, prétexte à une réflexion zen sur l’immortalité et l’amour, qui ne ressemble à aucune autre production à ce jour.
Date de sortie : 29 juin 2016 (1h 20min)
De Michael Dudok de Wit
Genre : Animation
Nationalités : Français, Belge, Japonais
Prix Spécial Un Certain Regard, Cannes 2016
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