Where to invade next, Michael Moore, 14 septembre 2016
Après un silence de 6 ans, Michael Moore revient avec un nouveau film sarcastique et polémique : Where to invade next, présenté à la Berlinale en 2016. Le réalisateur, toujours aussi remonté contre la politique intérieure et extérieure de son propre pays, signe une comédie très drôle qui vise souvent juste à propos des vertus du modèle économique néolibéral américain. Fidèle à sa marque de fabrique – un mélange d’images d’archives et de séquences « vérité » caméra au poing– Michael Moore livre un combat sans merci contre les idées reçues à propos du terrorisme international et du désengagement étatique en partant envahir de paisibles pays occidentaux.
Don Quichotte des temps modernes, Moore poursuit son idée, quitte à brasser une multitude de thèmes sur son passage, notamment dans un générique d’ouverture choc. Au vu des nombreuses victimes d’un système judiciaire défaillant -qui incarcère des innocents, de préférence noirs, et laisse proliférer des fanatiques religieux qui assassinent des médecins pro-IVG, la défense de la liberté, suprême cause nationale nord-américaine, semble en danger au sein même des États-Unis. En bon moraliste, Moore tend un miroir à ses concitoyens avec pour conseil : « avant d’aller donner des leçons au Moyen-Orient, mettez de l’ordre aux USA afin d’y faire respecter les droits civiques, souvent bafoués. »
Moore promène sa bobine sur les écrans internationaux depuis une bonne trentaine d’années. Héritier solitaire des militants des années 1970, son discours est largement minoritaire aux USA où il est toujours suspicieux de remettre en cause le patriotisme ou l’action politique nationale. Ces films ne révèlent au final jamais rien de ce que l’on sait déjà -tout au moins en Europe- de la réalité du rêve américain. Mais, Moore n’est pas qu’un donneur de leçons. Son humanisme, son inquiétude pour ses concitoyens, transparaissent dans son humour subversif. Si Moore se rend en Europe, c’est pour y piquer des idées qui pourraient améliorer le quotidien des Américains (prisons ouvertes made in Norway, cantines avec repas diététiques comme en France, poursuites judiciaires à la mode islandaise contre des patrons de banque peu scrupuleux…). Aux drones et aux missiles, Moore préfère la rencontre, avec des enfants, des travailleurs, des chefs d’entreprise… A l’aide des commentaires de la voix-off -souvent savoureux- et des inserts moqueurs (du style, « Italie: patrie de Don Corleone, Super Mario, Jesus »), Moore montre que l’ignorance est souvent à l’origine de la peur et de la violence aveugle.
A l’heure où, en Europe, certains acquis sociaux risquent d’être irrémédiablement révoqués, Moore, fatigué et obèse, somme toute l’incarnation de l’homme moyen nord-américain, filme des travailleurs européens, encore heureux et sveltes, profitant de leurs congés payés, de la sécurité de leur emploi (le policier italien), du remboursement de leurs frais médicaux… au final de la vie, d’une soirée restaurant avec des amis, d’un voyage à l’étranger avec sa famille, d’une maison à soi… Comparé au tableau nord-américain (faillites personnelles et maisons saisies à cause de la crise des subprimes, endettement à vie pour financer ses études ou payer ses frais médicaux, espérance de vie réduite…), le panorama européen qui ressort de ses voyages en Italie, France ou Finlande est idyllique. Mais, si le dernier documentaire de Moore se révèle un peu simpliste à force de distribuer les bons points aux pays européens sans proposer d’analyse plus rétrospective (les droits et la dolce vita ne sont possibles qu’au prix de combats sociaux –remember Front Populaire ?), son visionnage n’en résulte pas moins nécessaire, juste pour nous rappeler ce à quoi on nous demande aujourd’hui de renoncer… au risque de finir sa vie en white trash comme aux USA.
Date de sortie : 14 septembre 2016 (2h 00min)
De Michael Moore
Avec Michael Moore
Genre : Documentaire
Nationalité : Américain
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