Houdini & Doyle, diffusé par la Fox et ITV, 2016
En avril dernier, le Forum des Images accueillait pour sa septième édition le festival Séries Mania consacré à l’actualité des séries TV. Comme toujours, de belles découvertes : d’Angie Tribeca, série policière comique qui rappelle Police Academy et l’humour absurde de la franchise des Y-a-t-il un pilote pour…?, au dystopique Cleverman peuplé de mutants pour évoquer la question des aborigènes et du racisme en général en Australie… Houdini & Doyle, série américano-britannique-canadienne, ne faisait pas partie de la sélection. Diffusée pour la première fois le 13 mars 2016 sur la chaîne britannique ITV, elle a pourtant de quoi plaire avec ses intrigues autour de l’élucidation du paranormal (qui finit toujours par s’expliquer scientifiquement) et son face à face entre deux héros mythiques : Arthur Conan Doyle, créateur de Sherlock Holmes, et Harry Houdini, magicien trompe la mort.
Issus de classes sociales et d’univers différents – Houdini le saltimbanque nord-américain était d’origine hongroise tandis que Doyle avait fréquenté des collèges jésuites avant de devenir médecin militaire à bord du SS Mayomba puis de se reconvertir en ophtalmologue installé à Londres, les deux hommes se fréquentèrent dans les années 1920. Maître des illusions, Houdini vouait une violente aversion aux médiums et autres intermédiaires spirituels qui prétendaient pouvoir entrer en contact avec les morts. Il partageait avec Doyle dont la première femme et le fils étaient décédés, la perte d’un être cher, sa mère, mais contrairement à l’auteur de romans policiers, il ne servait pas la cause spiritualiste.
La série propose d’élucider, sous la férule de ces deux personnages titulaires, des enquêtes policières qui défient l’entendement. Là où certaines personnes – pour des raisons diverses et variées- verraient l’intervention de forces surnaturelles, Houdini débusque et incrimine de manière pertinente et toujours avec humour charlatans, illuminés avides de pouvoir, escrocs férus d’ésotérisme, prédicateurs fous et criminels. La série n’est pas exempte d’anachronismes : elle propose de suivre l’itinéraire intellectuel et croyant de Doyle à partir de la maladie de sa première femme (finalement emportée par la tuberculose) alors que ses années de prosélytisme pour le mouvement spirite furent largement influencées par sa deuxième épouse, Jean Leckie, qui tenait elle-même des séances spirite et s’adonnait à l’écriture automatique. Pour tempérer ce combat de coqs à l’écran, il fallait une femme et David Hoselton et David Titcherles, les créateurs de la série, ont imaginé le personnage d’Adelaide Stratton (interprétée par Rebecca Liddiard), première femme à avoir intégré les rangs de Scotland Yard. En réalité, à Londres, la première femme à rejoindre la police, fut Sofia Stanley, assignée en 1919, à la prévention de la prostitution, du suicide des femmes et du contrôle des diseuses de bonne aventure ! La série est censée se dérouler bien avant cette date et la rencontre entre Houdini et Doyle qui était d’ailleurs plus vieux (de quinze ans) que son comparse.
Dans la série, le personnage d’Adelaide n’est pas un faire-valoir aux deux hommes, elle incarne le combat des suffragettes et des féministes de l’époque et recèle, elle aussi, son lot de secrets et contradictions. Doyle, lui, est unidimensionnel. Affligé par la maladie de son épouse, il recèle un fort capital sympathie et le spectateur ne peut que se sentir triste pour lui, et comprendre aussi son besoin absolu de croire aux promesses des guérisseurs ou messages de prétendus médiums. Le clou du spectacle est assuré par le personnage d’Houdini, génialement joué par Michael Weston, malicieux et tourmenté à la fois, qui fait oublier l’interprétation fadasse du même magicien par Adrian Brody dans un téléfilm qu’il vaut mieux oublier.
Dans son acharnement à combattre les spirites et autres représentants du commerce ésotérique, il y a autant de souffrance que dans la crédulité de Doyle. Flirtant sans cesse avec la mort, cet apôtre agnostique de la rationalité est lui aussi fasciné par le néant et peut-être ce qui se cache derrière. Mais, c’est aussi un matérialiste et un épicurien convaincus qui, ayant trimé pour arriver au sommet, refuse de se laisser berner par les marchands de rêves qui profitent des faiblesses d’autrui. Libre-penseur, il prouve par son ouverture d’esprit et sa conduite indépendante que toute promesse de vie éternelle ou de récompense inespérée, si elle s’exprime aux dépens d’autrui, sous la menace ou la condamnation des incrédules, n’est que l’expression d’un mépris profond pour l’humanité. Les enquêtes qu’il résout montrent aussi que les paroles vertueuses constituent généralement un paravent pour cacher l’appât du gain et le désir de pouvoir.
Dans une ambiance presque steampunk (voir le générique avec les menottes), Houdini & Doyle marrie habilement éléments narratifs fantastiques et policiers. La saison 1 comporte 10 épisodes et fait traverser les héros l’Atlantique à la rencontre d’un autre prestigieux témoin de cette époque, Thomas Edison. A découvrir sur Fox ou ITV via satellite avant une éventuelle distribution en France.
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