Anomalisa, Charlie Kaufman, 3 février

Charlie Kaufman est un petit chouchou de la critique. Il s’est attiré les faveurs de la presse avec des films au scenario torturé, à l’image de l’inconscient de ses héros principaux souvent victimes de dédoublement de la personnalité, de paranoïa, ou de mécanismes de projection. Si le réalisateur excelle à traiter ces déformations du réel à travers le regard d’un artiste, qu’il soit acteur (Dans la peau de John Malkovitch) ou écrivain et double fictionnel (Nicolas Cage dans Adaptation), il impose au spectateur une ambiance plus clichée quand il s’agit de traiter la crise existentielle (cause des symptômes énumérés plus tôt) de Messieurs Tout le Monde.

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Anomalisa (Grand Prix du Jury au Festival du film de Venise, et aussi prix de la meilleure représentation de la nudité et la sexualité décerné par l’Alliance of Women Film Journalists Awards !) est le récit d’un effondrement psychologique, celui d’un responsable de service client téléphonique, reconnu par ses pairs comme une autorité dans ce domaine. Venu présenter son énième bouquin de développement personnel à un colloque, il recontacte son ex, couche avec une nana qui manque de confiance en elle (soit-disant à cause d’une cicatrice sur son visage), se croit poursuivi par une horde d’hommes et de femmes qui lui ressemblent et finit par déblatérer n’importe quoi et fondre en larmes pendant son allocution à la conférence.

Selon Télérama, c’est un « film aux accents houellebecquiens » qui, grâce à l’apport de la stop-motion,  « crée un genre à lui tout seul. » Certes, le héros semble cultiver le même dégoût de soi qu’Houellebecq à la différence qu’il se laisse entièrement submerger par son désespoir. Dans Anomalisa, contrairement à ce qui arrivait au personnage joué par Houellebecq himself dans Near Death Experience, il n’y a pas d’échapatoire à travers l’absurde. Après l’intermède avec Lisa, le type retrouve son môme ingrat et tête à claque, sa femme conformiste et chiante, la parfaite maîtresse de maison qui a organisé une fête à la con pour son retour… Quant à la stop-motion, elle a déjà été utilisée dans des films d’animation labellisés « pour adultes » (même si cette expression n’a pas vraiment de sens puisqu’un film d’animation, réussi, peut aussi être tout public, adultes inclus) comme le magnifique Mary et Max d’Adam Elliot sorti en 2009.

Bref, on sort d’Anomalisa avec la sensation d’avoir assisté à un film glauque et sans espoir. Les seules séquences vraiment réussies sont celles où le héros est en proie avec ses démons intérieurs; Kaufman excelle vraiment dans la mise en images du trouble mental… mais en même temps, il recycle de vieilles thématiques déjà traitées dans Adaptation ou Dans la peau de John Malkovitch. Ici, les doubles, qui ressemblent étrangement aux Thunderbirds de la série du même nom, sont censés refléter la déshumanisation du monde…

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Visages et voix identiques, soit.  Mais, le problème du film serait de nous faire croire que la vulgaire histoire de cul avec Lisa, héroïne pathétique, est empreinte d’amour, de tendresse et de sincérité parce qu’elle offre une petite fenêtre de liberté au héros, père de famille mal marié et malheureux au travail… et donc que l’existence pitoyable du personnage principal est la norme. On a toujours le choix, encore faut-il arrêter de geindre et de vivre selon ses propres désirs.

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Date de sortie : 3 février 2016 (1h 31min)
De Charlie Kaufman, Duke Johnson
Avec David Thewlis, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan
Genres : Animation, Comédie dramatique
Nationalité : Américain

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