Mistress America, Noah Baumbach, 6 janvier

L’insouciante Frances Ha a pris 10 ans dans Mistress America, le dernier film de Noah Baumbach qui offre de nouveau le rôle titre à sa muse, Greta Gerwig. Le couple est un peu la version années 2000 d’un duo cinématographique plus ancien, Woody Allen et Mia Farrow, pour qui New York devenait un théâtre philosophique où deviser sur la vie, se disputer, s’aimer, se tromper et se retrouver. Si Baumbach reste résolument derrière la caméra et, contrairement à Allen, refuse de se mettre en scène, il oppose toujours Greta Gerwig à des interlocuteurs capables, par leur simple présence, de mettre en lumière la grâce et le charme innés de l’actrice. Dans Frances Ha, Greta, naviguait entre Lev (Adam Driver, le Kylo Ren du nouveau Star Wars) et Benji  (Michael Zegen). Elle passait aussi le plus clair de son temps à se chamailler avec Sophie (Mickey Sumner), son ancienne meilleure amie, devenue une adulte responsable horripilante.

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Dans Mistress America, exit le trio amical-amoureux. Par contre, on retrouve le thème du miroir  avec une amitié féminine exclusive entre deux « presque sœurs. » Tracy, jeune étudiante qui s’ennuie ferme à la fac et à New York, fait la rencontre de sa future demi-sœur Brooke qui connaît la ville comme sa poche. Avec elle, Tracy va trouver l’inspiration nécessaire pour écrire la nouvelle qui lui permettra de rejoindre le prestigieux club d’écrivains de son campus. En route, elle apprendra à mieux se connaître et surtout à faire les bons choix pour donner un sens à sa vie. Avec ce nouveau récit initiatique, Baumbach explore les thèmes qui lui tiennent à cœur : les responsabilités inhérentes à l’entrée dans l’âge adulte, les familles recomposées, les rêves d’ascension sociale… L’air de rien, le film exhale des bouffées nostalgiques pour un New York fantasmé, celui des films pré Reagan où n’importe quel petit intellectuel juif ou italien, issu des classes moyennes voire ouvrières, pouvait s’élever à la force de ses poignets et de ses bons mots, et devenir quelqu’un dans la ville du rêve américain.

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Chantre d’un certain individualisme face à la pression du groupe, le réalisateur offre un nouveau rôle de marginale sympa à son actrice favorite. La bonne idée, c’est d’avoir fait vieillir le personnage de Frances Ha d’une dizaine d’année sans lui permettre de se fixer professionnellement et sentimentalement. Et surtout d’avoir opté pour une jeune femme aspirante écrivain dans le rôle du miroir.

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Le film souffre d’un léger problème de rythme. Les 30 première minutes font craindre une œuvre bavarde qui recyclerait les bonnes vieilles idées de Frances Ha sans vraiment susciter le rire ou l’émotion. La rencontre entre Tracy et Brooke qu’on aurait aimée plus cynique et acide, ne passionne pas vraiment. Heureusement, Mistress America décolle lorsque Brooke se confronte aux fantômes de son passé : une ancienne amie, devenue très riche après lui avoir volé une idée marketing et épousé son ex-petit ami. Dans un huit-clos où se retrouvent aussi une femme enceinte, un voisin acariâtre et un couple d’étudiants au bord de la rupture,  les dialogues virent presque au slapstick. Le type de comique convoqué, un rien suranné, rappelle des souvenirs des années 1990 comme si, victimes des contrecoups d’un étrange voyage temporel, les séries Frasier et Friends auraient fusionné avec un vieux Woody Allen.

Le personnage de Brooke, malmenée par des personnages aussi caricaturaux que pathétiques, gagne enfin en profondeur et l’on quitte le film en croyant au mensonge du réalisateur amoureux : cette femme vieillissante, qui dixit Tracy rend les « stupides gosses de riches un peu moins stupides », est bien une héroïne romantique…

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Date de sortie 6 janvier 2016 (1h24min)
Réalisé par Noah Baumbach
Avec Greta Gerwig, Lola Kirke, Matthew Shear plus
Genre Comédie
Nationalité Américain

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