Film Culte (7) : Nostalgie de la lumière, Patricio Guzmán, 2010
A l’occasion de la sortie en salles le 28 octobre du film Le Bouton de nacre, le dernier long-métrage du réalisateur chilien Patricio Guzmán, retour sur une autre de ses réalisations, Nostalgie de la lumière. Parce que la rubrique Film Culte n’accueille pas que des films des décennies passées et que l’ensemble de l’œuvre, poétique, politique et éminemment tragique de ce réalisateur mérite d’ores et déjà ce statut.
Genèse du projet.
Patricio Guzmán est connu pour ses documentaires engagés et subtils (Le Cas Pinochet, La Mémoire Obstinée ou La Bataille du Chili, trilogie de cinq heures sur la chute du gouvernement de Salvador Allende) qui traitaient des heures sombres du Chili. Entre 2006 et 2010, il a étudié les similitudes qui existent entre le travail d’un astronome et celui d’un historien. Ses recherches accouchent de cinq courts-métrages et d’un long, Nostalgie de la Lumière. Qu’ont en commun des astronomes chiliens, un architecte, une jeune maman ou des femmes qui creusent la terre à la recherche des restes de leurs proches assassinés sous le régime Pinochet ? Le désert d’Atacama…
Dans le désert de la mémoire avortée…
Le désert d’Atacama est le fil directeur de ce beau documentaire sur la mémoire. Les personnes rencontrées et filmées par Patricio Guzmán sont toutes à la recherche de bribes qui les aideraient à comprendre et reconstituer leur passé. Quant aux astronomes de la région, ils voyagent dans le passé de notre univers en scrutant le ciel à l’aide d’immenses télescopes. Les épouses, mères et sœurs des victimes de la dictature chilienne ratissent le désert à l’aide de loupes. Elles recherchent les morceaux épars de leurs êtres aimés, squelettes démembrés par les sbires de Pinochet. L’architecte, prisonnier politique rescapé, a enfoui dans sa mémoire les plans des geôles autrefois cachées dans le désert.
Désir de savoir.
Le désert, souvent représenté au cinéma comme un no man’s land, est vivant, possédé. Son apparente tranquillité agit tel un aimant sur des êtres en quête permanente de réponses. Quelle est l’origine de notre univers ? Existe-t-il d’autres formes de vie ? Quel sera notre futur ? Comment sommes-nous constitués ? Pourquoi ? Les témoignages se succèdent et malgré les différences de parcours, tous racontent la même chose : le désir de savoir, la soif de comprendre. Savoir où sont enterrés les corps de fils et filles de la Patrie rejetés par le présent. Comprendre la situation actuelle en scrutant le passé que ce soit à travers des objectifs ou de la mémoire recomposée.
Beauté et ravissement.
La beauté du ciel d’Atacama pourrait nous faire oublier l’horreur de la dictature. Comme l’affirme l’un des astronomes interrogés, si femmes endeuillées et scientifiques étudient le passé, les conséquences sont différentes pour chacun. A l’image d’un pays qui refuse de se souvenir, les découvertes macabres des unes ne troublent finalement pas le ravissement des autres. Le documentaire de Patricio Guzmán est une métaphore filée sur la recherche de preuves… Une quête qui maintient en vie mais peut rapidement tourner à l’obsession. Une envie d’en savoir toujours un peu plus qui procure du plaisir et, pour d’autres, parfois le soulagement, au terme d’une longue marche solitaire dans le désert.
Poussières d’étoiles…
Certains, privés de justice, souhaiteraient que l’on se souvienne à jamais. D’autres, tout autant victimes, ont pu trouver dans l’astronomie, une réponse à la perte, au manque. Valentina, fille de disparus, a fait de l’observation des étoiles son métier… mais aussi sa philosophie. Si elle aime étudier le passé, elle sait que la matière est toujours réutilisée. Ses parents, poussières d’étoiles, sont toujours là. Son nouveau-né, lui, l’entraîne à regarder au-delà, vers le futur.
Une belle conclusion pour un documentaire qui, tout en dénonçant les séquelles de victimes condamnées à se taire par une majorité de lâches bien-pensants, montre que l’apaisement et la réconciliation avec soi-même ne peuvent exister qu’à travers le souvenir. « Ceux qui se souviennent sont condamnés à vivre dans la fragilité du présent. Ceux qui oublient ne vivent nulle part. »
Date de sortie : 27 octobre 2010 (1h30min)
Réalisé par Patricio Guzmán
Genre : Documentaire, Drame
Commentaires récents