Hill of freedom, Hong Sang-soo, le 8 juillet
Un jeune homme perd une femme qu’il aimait. Plusieurs années après, même si ses chances de renouer avec elle sont très minces, il retourne sur les lieux de son amour défunt pour la retrouver. Le réalisateur coréen Hong Sang-soo dépoussière les codes de ce genre d’histoire, classique au cinéma. Dans Hill of Freedom, la chronologie du récit est explosée, le personnage principal est un anti-héros déjà résigné, et aucun flash-back ne vient éclairer les raisons de la rupture. Mieux, le quotidien du héros, son attente, si difficile à supporter, sont racontés à postériori via un récit épistolaire lu par la femme qu’il poursuit. Problème : elle a fait tomber les lettres qui se sont toutes mélangées…
Mori, l’ex amant japonais, est un artiste entre deux emplois, qui lit un livre sur le temps… ou plutôt sur l’appréhension du temps par les hommes. Et si, la flèche du temps n’allait pas irrémédiablement en avant ? Et s’il était possible de faire se rencontrer le passé et l’instant présent ? Plongé dans une Corée qui lui a plutôt laissé un mauvais souvenir, Mori flotte entre deux eaux. Puisant ses forces dans le souvenir de son amie, il rêve d’un futur avec elle tout en se laissant porter, comme une feuille dérive sur l’eau, par ses nouvelles rencontres. Mori le japonais se fait des copains (et des copines) malgré lui. Sa logeuse, une serveuse de café, ses voisins de pension, tout le monde s’inquiète pour lui. Les autres personnages n’ont de cesse de le sortir et de l’inviter au restaurant pour lui remonter le moral. Et Mori consigne tout cela, avec plein de détails, dans des lettres qu’il adresse à la femme qu’il aimerait retrouver…
On parle beaucoup dans Hill of Freedom, de tout, de rien, souvent de petits rien. Le problème de Mori : répondre franchement aux questions qu’on lui pose… et philosopher à partir de remarques banales, souvent pour dire des choses très justes mais qui mettent mal à l’aise ses interlocuteurs. Mori déconcerte sa logeuse : il n’incarne pas les stéréotypes qu’elle se fait des japonais. Il ne se réveille pas à l’heure pour prendre le petit déjeuner, il dit ce qu’il pense des collègues de l’institut de langue où il était employé avec son amie. Mais, la franchise de Mori, si elle surprend de premier abord, le rend terriblement attachant. Et le film de Hong Sang-soo est nimbé d’une douceur permanente : comme si la réunion des anciens amoureux était finalement moins importante que la constitution de liens protecteurs entre les membres de cette communauté éphémère.
Les conversations entre les personnages délitent le temps qui paraît s’étirer à l’infini. La manière de filmer les repas et surtout Mori, qui se lève de plus en plus tard, le lendemain, après des soirées arrosées, tout contribue à créer une sorte de bulle temporelle où chaque jour, bien que différent du précédent, se ressemble. Et le spectateur d’attendre l’événement qui sortira Mori de sa torpeur et qui mettra fin à ce voyage sans issue. Sous son apparence d’extrême simplicité et en un temps très court pour un long-métrage (à peine une heure), le nouveau film de Hong Sang-soo déploie des trésors d’ingéniosité scénaristiques pour nous faire vivre une expérience peu commune, de nos jours, au cinéma.
Le motif de l’égarement, omniprésent avec ce rapport au temps si singulier, les déambulations dans un quartier labyrinthique ou le barrage linguistique, ne se limite pas à induire des ressorts comiques. Certes, le réalisateur fait pleinement participer le spectateur au séjour dépaysant et cocasse de Mori mais, au delà d’une réflexion sur les différences culturelles, Hill of Freedom impose et célèbre un cinéma de l’écoute qui au détour de quelques mots, incompris, dits, murmurés ou lus, suggère ce qui était, est, aurait pu être et sera.
Date de sortie : 8 juillet 2015 (1h6min)
Réalisé par Sang-soo Hong
Avec Ryo Kase, Sori Moon, Young-hwa Seo…
Genre : Comédie Romantique
Nationalité : Sud-Coréen
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